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vendredi, 02 décembre 2011

Céline et la question de l’anarchie

Céline et la question de l’anarchie

par Charles-Louis Roseau

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/

« De droite » ou « de gauche », on a souvent qualifié Louis-Ferdinand Céline d’anarchiste. Le romancier, quant à lui, se réclamait parfois de ce mouvement. Pourtant, on sait bien qu’il est peu prudent de prendre les dires de l’auteur pour argent comptant, ce d’autant que les assertions céliniennes de la veille sont souvent démenties par les déclarations du lendemain. J’admire infiniment les auteurs qui ont la patience et la culture suffisantes pour décortiquer la pensée politique de Céline et la présenter comme un tout cohérent, systémique, comme une sorte de mécanique dans laquelle chaque rouage s’ordonne et s’ajuste aux engrenages qui précèdent et qui suivent. J’avoue, en ce qui me concerne, ne pas parvenir à m’élever suffisamment haut pour jeter sur le discours politique célinien un regard synthétique. Ce qui me rassure, en revanche, c’est que les études confirment, en les étoffant de maints exemples et arguments, une intuition qui m’assaille dès qu’il s’agit d’analyser le raisonnement célinien. Je parle évidemment de la tendance contradictoire permanente sur laquelle le romancier a bâti son discours. Céline n’est jamais tout à fait « de droite », ni « de gauche ». Jamais tout à fait « fasciste », ni complètement « anarchiste ». Souvent un peu « patriote », mais parfois absolument « antimilitariste ». Les concepts politiques forgés depuis le XVIIIe siècle à grand renfort de nuances, d’alinéas et d’exceptions qui confirment la règle, seraient-ils inaptes à qualifier une réalité terriblement complexe ? Ou, peut-être, est-ce le discours célinien, dont les échos innombrables ponctuèrent les péripéties politiques du siècle dernier, qui, trop alambiqué, refuse de rentrer dans les cases de la boîte à classification ?

J’ai été formé à l’Université française. Ma logique argumentative en a pris les plis et les défauts. Je refuse d’avouer mon incompétence. Je ne sais pas dire que je ne sais pas. Alors, plutôt que d’affronter l’énigme de face, je la contourne. Comme on dit : « je déplace le problème ». L’objectif n’est alors plus de cataloguer la pensée politique célinienne, mais plutôt d’interroger cette impossible catégorisation. À plusieurs reprises, j’ai évoqué une stratégie d’écriture établie par l’auteur afin de se conformer aux attentes versatiles de son lectorat. Ce pouvait être, selon moi, l’une des causes de la tempérance ou des revirements politiques de l’auteur. Cela pouvait aussi expliquer le plongeon soudain dans la dérive antisémite.

Qu’en est-il de l’anarchie chez Céline ? Céline est-il anarchiste ? Je l’avoue tout de suite : ce n’est pas à cette dernière question que j’entends répondre. Je me souviens d’une étude que j’ai faite en 2007 à propos des anarchistes francophones sur Internet (1). J’avais envoyé un questionnaire aux webmasters de tous les sites dignes d’intérêt répertoriés sur la toile. L’un d’entre eux m’avait répondu : « Juste un conseil, ne vous lancez pas dans les tendances de l'anarchisme, vous risqueriez d'y perdre votre tête, conservez juste les affiliations, cela suffira à votre propos, les unes ne reflétant pas les autres. Des gens de la même tendance pouvant être soit à la fois, soit séparément dans diverses organisations ou groupe ou revue ou, ou, ou… La mouvance libertaire est, comme les sables, mouvante. » J’ai gardé ce conseil dans un coin de ma tête. Encore aujourd’hui, je ne manque pas de l’appliquer ; cela m’évite de dire des bêtises. Pour se prononcer sur l’anarchisme de Céline, il faudrait donc concevoir clairement et l’homme et le concept… J’en suis malheureusement bien loin. Alors que faire ? M’arrêter ? Le lecteur qui, entamant cet article, se réjouissait d’avance à l’idée de pouvoir « ranger » Céline dans une mouvance, sera sans doute déçu. Il peut en rester là. Celui qui, au contraire, se demande pourquoi on cherche encore à savoir si Céline est anarchiste, celui-ci, qu’il n’hésite pas à me suivre.

L’anarchisme est l’un de ces courants politiques sur lesquels plus on lit, moins on en sait. Quelle que soit l’approche, chaque livre allonge la liste des complexités, des nuances et des diversités internes. Cela ne facilite vraiment pas la tâche, surtout quand il convient d’être synthétique. Historiquement, la définition moderne et politique de l’anarchie naît avec l’État-nation. C’est après la Révolution française, et, plus particulièrement, au cours du XIXe siècle, que le mouvement, ses penseurs et ses principes se sont peu à peu mis en place. Mais quels principes au juste ? Si l’on en croit les auteurs de L’Encyclopédie anarchiste : « Ce qui existe et ce qui constitue ce qu’on peut appeler la doctrine anarchiste, c’est un ensemble de principes généraux, de conceptions fondamentales et d’applications pratiques sur lesquels l’accord s’est établi entre individus qui pensent en ennemis de l’autorité et luttent isolément ou collectivement, contre toutes les disciplines et contraintes politiques, économiques, intellectuelles et morales qui découlent de celle-ci. Il peut donc y avoir et, en fait, il y a plusieurs variétés d’anarchistes, mais tous ont un trait commun qui les sépare de toutes les autres variétés humaines. Ce point commun, c’est la négation du principe d’autorité dans l’organisation sociale et la haine de toutes les contraintes qui procèdent des institutions fondées sur ce principe. (2) » Cette définition pour le moins générique qui, tout en suggérant des sous-ensembles, se garde bien de les détailler, semble englober le cas célinien. En effet, on connaît les critiques que l’auteur adresse à la morale, à la religion, au capitalisme, à la démocratie et au militarisme. L’empreinte anarchiste est d’autant plus vivace, chez Céline, qu’il en est de la littérature comme de la vie : la première impression est souvent la plus vivace. Dans cette perspective, Voyage au bout de la nuit, le roman liminaire, celui par lequel tout lecteur commence son périple célinien, n’en finit jamais d’orienter les opinions. Il est sans doute le roman le plus réaliste de Céline. L’auteur y fustige la guerre, y dénonce la marchandisation des hommes, la misère des classes populaires, les méfaits du colonialisme et du capitalisme… De ce fait, il a été et est toujours perçu comme un roman politique, à tendance populiste, dont l’auteur refusait de prendre parti. Il suffit pour s’en convaincre de consulter les échos parus dans la presse à partir de 1932 (3) : on y parle de roman révolutionnaire, de cri, de souffle nouveau, de peinture réaliste et misérabiliste… À l’époque où chaque intellectuel se devait de choisir un camp et où le communisme figurait la seule expression envisageable de la révolte, tout individu qui, bien qu’ayant des sympathies pour les idées révolutionnaires, refusait de s’encarter, se voyait dédaigneusement taxé d’anarchisme (4) . N’est pas le cas de Bardamu qui, dans les premières pages de Voyage au bout de la nuit, se voit traiter d’ « anarchiste » parce qu’il refuse de défendre la « race française » chère à Arthur Ganate ? C’est donc par défaut que Céline est devenu anarchiste, un peu comme ces étrangers que l’on traitait de « rastaquouères » à la fin du XIXe siècle. Parce qu’il convenait de lui donner une étiquette, mais qu’aucune ne lui correspondait véritablement.

Pourtant, à y regarder de plus près, de l’anarchiste, Louis-Ferdinand Céline n’a que la posture. Très vite, il se présente comme le reclus, le révolté incompris dont la parole rebelle perturbe la bienséance et l’équilibre politique établi. Tout au long de sa carrière, il alimentera cette image d’insoumis, d’abord par ses discours, puis, à la fin de sa vie, à l’aide de photos le représentant en guenilles, lui, l’homme du peuple, dans son « en-dehors » de Meudon. Il y a en effet une forme d’anarchisme ostentatoire chez Céline, mais qu’on ne s’y trompe pas, elle n’entretient aucun rapport avec le politique. Car « la vérité de ce monde, c’est la mort », et il n’y a rien à espérer, rien à construire, rien à autogérer, tant l’homme est viscéralement pourri. La seule once d’anarchisme présente chez Céline, on la doit donc, je pense, à son incroyable égoïsme. À cette indestructible conviction qui fait de l’ego la seule réalité possible, le point de départ et le critère de tout jugement. Il faut relire les lettres d’Afrique (5) pour saisir l’émergence de cette individualisme égocentrique et contestataire qui inscrit Destouches dans la droite lignée du philosophe allemand Max Stirner (6) et de certains de ses homologues français, à commencer par Georges Palante… On parlera alors d’anarchisme « littéraire », « philosophique », « apolitique », « du mépris », « de droite »… N’en reste pas moins qu’il s’agit avant tout d’une posture : d’un « être au monde » ostensible qui n’engage que soi.

L’anarchiste par défaut, c’est aussi l’individu qui « fréquente le milieu », cette nébuleuse gauchisante difficile à cerner pour celui qui la regarde de loin. Or Céline a toujours entretenu une relation ambivalente avec les anarchistes, acceptant leurs éloges sans répondre à leurs invitations, applaudissant leurs idées sans pour autant y adhérer totalement. Le 18 mars 1933, Céline adresse une lettre à Elie Faure qui, beaucoup moins radical que son oncle Elisée Reclus, s’est rangé aux côtés des socialistes. Le romancier y explique son refus de suivre l’Association des Ecrivains et des Artistes révolutionnaires, alors sous le patronage du PCF: « Je me refuse absolument à me ranger ici ou là. Je suis anarchiste jusqu’aux poils. Je l’ai toujours été et je ne serai jamais rien d’autre. Tous m’ont vomi, depuis les Inveszias jusqu’aux nazis officiels, Mr de Régnier, Comoedia, Stavinsky, le président Dullin, tous m’ont déclaré imbuvable, immonde et dans des termes à peu près identiques.» (7). Quelques mois plus tard, c’est au tour des libertaires de courtiser l’auteur de Voyage. Connu pour ses positions antimilitaristes qui lui valurent l’exil, le beau-fils du polémiste anarchiste Laurent Tailhade, Pierre Châtelain-Tailhade, s’adresse à Céline en ces termes : « Descendez dans la "rue des hommes"; allez serrer de ces mains jeunes, Céline, de ces mains qui, lorsqu'elles battront la générale pour le rassemblement des espoirs, ne la battront pas sur des tambours voilés ! » (8). Mais l’auteur de Voyage ne semble pas séduit et préfère garder ses distances. Comment, dès lors, comprendre ce curieux manège ? Pourquoi se prétendre anarchiste devant ceux qui ne le sont pas, et refuser de suivre ceux qui le sont vraiment ? C’est sans doute que le terme possède une définition très souple et qu’il renvoie une image dont le reflet brille différemment selon l’angle depuis lequel on le regarde. Ce rapport indécis se poursuit d’ailleurs après la Seconde Guerre mondiale. Dans une lettre à Albert Paraz datée du 14 novembre 1949, Céline déclare : « Vive l’Anarchie nom de Dieu Pour être un bon anarchiste il faut avoir tenu bon en tôle. (9)» Quelques jours plus tard, il modère pourtant son élan : « J’aime bien les anarchistes mais cette idolâtrie des grandes figures est niaise. C’est l’impuissance mentale. Ils remarquent ceux qui ont souffert pour la cause 2 siècles trop tard et encore tout de travers ! ou pas souffert du tout ! On est dans la connerie ». C’est aussi à cette même époque que l’on voit réapparaître les noms de fervents défenseurs de l’anarchie dans la correspondance de l’auteur. Michel Ragon, par exemple, proche de la Fédération Anarchiste, mais surtout, Louis Lecoin, théoricien de l’ « objection de conscience » et pacifiste viscéral coutumier de l’insoumission et des prisons. De ce dernier, isolé au Danemark, Céline reçoit quelques exemplaires de la revue Défense de l’Homme, dont le numéro de février 1950 a d’ailleurs proposé une étude favorable à Céline (10). Paradoxalement, la presse anarchiste fait paraître une enquête assez conciliante à l’égard de l’écrivain taxé de collaborationnisme. Publié entre le 13 et le 27 janvier 1950 sur trois numéro du Libertaire, l’organe du Front communiste libertaire, « Que pensez-vous du procès Céline ? », laisse la parole à des écrivains, des journalistes ou des peintres dont la popularité n’est nullement contestée. On recense notamment les textes de Louis Pauwels, de Marcel Aymé, de Jean Dubuffet, d’Albert Camus, de René Barjavel ou encore de Jean Paulhan. Ce dernier écrit : « Si l’anarchisme est un crime, qu’on le fusille. Sinon qu’on lui foute une fois pour toute la paix ». Prononcés par un homme de lettres et d’idées, ces propos ont sans doute déplu aux militants pragmatiques qui n’ont pas manqué de souligner la primauté de certaines réalités politiques et sociales. L’enquête se clôt notamment sur une lettre signée par cinq activistes du groupe Sacco-Vanzetti de la Fédération anarchiste. Voici ce qu’on y lit : « En admettant même que Céline ait « la meute au cul », cette meute ne nous paraît pas comparable à celle qui s’acharne contre les persécutés sociaux d’Espagne, de Bulgarie, de Bolivie, de Grèce, d’Europe orientale, des Indes, du Vietnam ou, sans aller si loin, d’Afrique du Nord et de France (voir mineurs, déserteurs, etc.) » (11).

[Photo :Louis Lecoin] L’anarchie célinienne, me semble-t-il, fonctionne comme un trompe l’œil : réaliste de loin et improbable de près. Si l’auteur aime à paraître anarchiste, il ne voit aucun intérêt, je pense, à l’être concrètement. Les anarchistes, quant à eux, n’ont pas l’air de considérer le romancier comme un porte-parole. Et, quand, touché par tel ou tel discours, l’un des leurs se tourne vers l’écrivain, la main ne reste jamais longtemps tendue. L’usage de la référence anarchiste se situe donc ailleurs que dans le champ du politique et de l’engagement solidaire. Il relève au contraire d’une stratégie personnelle, voire tout à fait intime, liée à des vertus symboliques et esthétiques. Dans son essai sur Céline (12), Michel Bounan présente l’écrivain comme un conservateur antisémite et réactionnaire qui se serait sciemment « déguisé » en anarchiste pour mieux véhiculer ses idées. Sans tomber dans les excès d’une telle démonstration, il ne me semble pas déplacé de retenir la thèse du travestissement utilitaire. Comme il le fit pour son statut d’ancien combattant, Céline se serait donc fabriqué, ou simplement contenté d’entretenir, une image d’écrivain anarchiste. Il faut bien reconnaître que la verve révolutionnaire de ses premiers romans, tout comme le récit fantasmé de son enfance populaire et son statut de clochard céleste, ont contribué à alimenter la veine populiste qui participe de la symbolique anarchiste. De même, sa position d’écrivain frondeur, ses frasques judiciaires, son exil et son passage en prison le rangent, du moins en apparence, aux côtés des réfractaires. Pour le non-initié, ou pour l’intellectuel libertaire davantage soucieux de la posture que de l’engagement pratique, Céline pouvait donc aisément passer pour un anarchiste. Mais comment expliquer ce camouflage... Dont je ne saurais même pas m’aventurer à dire s’il était conscient ou non ? À y regarder de plus près, l’idéologie libertaire, vidée de ses applications pratiques, figure l’aboutissement de la marche initiée au siècle des Lumières. Les notions de critique, d’individu et de libre-pensée, qui s’inscrivent au cœur même de la mouvance libertaire, sont également des gages de qualité qui surent s’imposer dans l’histoire politique et littéraire. Dans cette perspective, l’étiquette anarchiste possède des vertus fédératrices qui ne purent que servir les intérêts du romancier. De plus, si l’anarchie reste un concept d’autant plus nébuleux qu’on le regarde de loin, il n’en reste pas moins une pensée politique légitime, humaniste, voire romantique, que seuls les réactionnaires d’un autre temps remettent radicalement en cause. De ce point de vue, Céline avait quelques avantages médiatiques à passer pour un anarchiste : d’abord parce qu’il est inconcevable d’être simultanément libertaire et fasciste. Mais aussi, parce qu’ainsi, sa cause devenait encore plus noble et tolérable.

Il est toujours malvenu de conclure une réflexion sur une série d’hypothèses. Les certitudes, comme le meilleur, sont pour la fin. Je souhaiterais donc clore cet article sur un lien qui, sans aucun doute, rapproche Céline de l’anarchie. Cette attache d’ordre esthétique a été étudiée en détails par Yves Pagès dans son livre sur la pensée politique de l’auteur (13). Il s’agit de l’influence des anarchistes de la Belle Epoque sur l’œuvre célinienne. Plutôt que de résumer cette brillante étude, j’invite le lecteur à la parcourir. Il y découvrira combien le jeune Destouches dut être impressionné par la série d’attentats anarchistes qui ponctuèrent son enfance et sévirent souvent dans son quartier. Il y croisera les figures de Caserio, d’Emile Henry, d’Auguste Vaillant, de Liabeuf, ou encore de tous ceux qui formèrent la bande à Bonnot. Les polémistes insoumis aussi : Libertad, Zo d’Axa… Étrangement, certains de ces personnages semblent refaire surface dans l’œuvre célinienne. On pense évidemment à Bardamu, mais aussi au Borokrom de Guignol’s Band. Dès lors, on ne peut que tomber d’accord avec Yves Pagès. Le projet littéraire célinien est semblable aux combats de ces libertaires accrochés au tournant des siècles. C’est une révolte individuelle perdue d’avance.
Un cri populaire d’autant plus déchirant qu’il est conscient de sa propre fin. L’acte d’un forcené assiégé qui refuse de se rendre.

Charles-Louis ROSEAU
Le Petit Célinien, 19 novembre 2011.


1 - Charles-Louis Roseau, Les Anarchistes francophones et Internet, Mémoire de Master sous la direction de Véronique Richard, Centre d'études littéraires et scientifiques appliquées (Celsa), Paris IV – La Sorbonne, 2007.
2 - Sébastien Faure (sous la direction de), Encyclopédie anarchiste, Paris, Œuvre internationale des Éditions anarchistes, 4 Vol, 1934-1935.
3 - André Derval – textes réunis et présentés par – Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline, Critiques 1932 – 1935, Paris, Ed. de l’IMEC, 1993.
4 - Le 9 décembre 1932, Paul Nizan écrit dans l’Humanité : « Céline n'est pas parmi nous : impossible d'accepter sa profonde anarchie, son mépris, sa répulsion générale qui n'acceptent point le prolétariat. Cette révolte pure peu le mener n'importe où : parmi nous, contre nous ou nulle part. Il lui manque la révolution.» Cité dans Ibid., p. 61.
5 - Louis-Ferdinand Céline, Cahiers Céline n°4Lettres et premiers écrits d’Afrique 1916 – 1917, textes réunis et présentés par Jean-Pierre Dauphin, Paris, Gallimard, 1978.
6 - Max Stirner, L’Unique et sa propriété, Lausanne, l’Âge d’homme, 1972. Paru en Allemagne en 1845, ce livre a été traduit pour la première fois en français en 1899.
7 - Cité dans Lettres, édition établie par Henri Godard et Jean-Paul Louis, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, Gallimard, 2009, p. 416.
8 - Cité par Bruno Jouy dans Voyage au bout de la nuit, Etude d’une réception, Thèse de Doctorat sous la direction de Pierre Lainé, Université de Bretagne occidentale, 1992.
9 - Lettres, Op. cit., p. 1243.
10 - Jean Vita, « Céline et l’enfance », dans Défense de l’Homme, N°17, février 1950, p.25-27. Dans cet article initialement paru en 1944, l’auteur présente Céline comme un « anarchiste ».
11 - Une synthèse complète de cette étude publiée sur trois numéros est disponible sur : http://florealanar.wordpress.com/2011/01/26/un-peu-dhistoire/
12 - Michel Bounan, L’Art de Céline et son Temps, Editions Allia, Paris, 2004.
13 - Yves Pagès, Les Fictions du politique chez L.-F Céline, « L’Univers historique », Paris, Le Seuil, 1994.

vendredi, 25 novembre 2011

Emil Cioran e o Culto à Morte

Emil Cioran e o Culto à Morte

 
por Tomislav Sunic
 
Ex: http://legio-victrix.blogspot.com/




Pessimismo histórico e senso trágico são motivos recorrentes na literatura Européia. De Heraclitus à Heidegger, de Sophocles à Schopenhauer, os representantes do ponto de vista trágico assinalam que a maneira mais curta de existência humana pode somente ser superada pela intensidade heróica de viver. A filosofia do trágico é incompatível com o dogma cristão de salvação e otimismo de algumas ideologias modernas. Muitas políticas ideológicas e teológicas modernas se estabelecem a partir do pressuposto de que “o futuro radiante” está em algum lugar depois de virar a esquina, e que o medo existencial pode ser melhor subjugado pela aceitação de um linear e progressivo conceito histórico. É interessante observar que indivíduos e massas, na nossa pós-modernidade, cada vez mais evitam alusões à morte e ao fato de morrer. Procissões e despertares, que há não muito honraram a comunhão pós-moderna entre a vida e a morte, estão rapidamente caindo no esquecimento. Em uma sociedade fria e super-racional de hoje, a morte de alguém causa constrangimento, como se a morte nunca tivesse existido, e como se a morte pudesse ser adiada por uma “procura da felicidade” deliberada. A crença de que a morte pode ser despistada com um elixir da juventude eterna e a “ideologia das boas aparências”, é generalizada na sociedade moderna orientada pela TV. Essa crença se tornou uma fórmula de conduta sócio-política.

O ensaísta franco-romeno, Emile Cioran, sugere que uma conscientização da futilidade existencial representa a única arma contra delírios teológicos e ideológicos que têm balançando a Europa por séculos. Nascido na Romênia em 1911, Cioran desde muito cedo se identificou com o velho provérbio Europeu de que geografia significa destino. Da sua região nativa, de onde uma vez vagou pelas hordas de Scythian e Sarmatian, e na qual mais recentemente, vampiros e Draculas políticos estão tomando o pedaço, ele herdou um típico talento “balkanesque” de sobrevivência. Dezenas de povos gregos antigos evitavam esta área, e quando as circunstâncias políticas os forçaram a fugir, escolheram uma nova pátria na Sicília ou na Itália – ou hoje, como Cioran, na França. “Nossa época” escreve Cioran, “vai ser marcada pelo romantismo de pessoas apátridas. Já a imagem do universo está no passo de que ninguém terá direitos civis.”[1] Similarmente a esses compatriotas exilados, Eugene Ionesco, Stephen Lupasco, Mircea Eliade, e muitos outros, Cioran vem para compreender muito cedo que o senso de futilidade existencial pode melhor ser curado pela crença em um conceito histórico cíclico, que exclui qualquer noção de chegada de um Messias ou a continuação do progresso tecno-econômico.

A atitude política, estética e existencial, de Cioran em relação a ser e tempo é um esforço para restaurar o pensamento pré-Socrático, o qual o Cristianismo, logo a herança do racionalismo e do positivismo, empurrou para a periferia da especulação filosófica. Nesse ensaio e aforisma, Cioran tenta lançar uma fundação de uma filosofia de vida que, paradoxalmente, consiste na refutação total de todo o viver. Em uma era de história acelerada lhe parece sem sentido especular sobre o aperfeiçoamento humano ou sobre o “fim da história”. “O futuro”, escreve Cioran, “vão e vejam por si mesmos se realmente desejam. Eu prefiro me agarrar ao inacreditável presente e ao inacreditável passado. Eu os deixo a oportunidade de encarar o inacreditável.”[2] Antes dos empreendimentos humanos em devaneios sobre a sociedade futurista, ele devia primeiro imergir a si mesmo na insignificância da sua vida, e finalmente restaurar a vida para o que ela é de fato: uma hipótese trabalhosa. Em uma de suas litografias, o pintor francês J. Valverde, do século XVI, esboçou um homem que tinha tirado sua própria pele. Esse incrível homem, segurando uma faca em uma das mãos e sua pele recém tirada na outra, assemelha-se a Cioran, que agora ensina aos seus leitores como melhor tirar a máscara das ilusões políticas. Homens sentem medo somente na sua pele, não no esqueleto. Como seria para uma mudança, pergunta Cioran, se o homem poderia ter pensado em algo não relacionado ao ser? Nem tudo que transparece teimoso tem causado dores de cabeça? “E eu tenho pensado em todos que eu conheço”, escreve Cioran, “em todos que não estão mais vivos, há muito chafurdando em seus caixões, para sempre isentos da sua carne – e medo.”[3]

A interessante característica de Cioran é a tentativa de lutar contra o niilismo existencial por significados niilistas. Diferente de seus contemporâneos, Cioran é averso ao pessimismo chic dos intelectuais modernos que lamentam paraísos perdidos, e que continuam pontificando sobre o fim do progresso econômico. Inquestionavelmente, o discurso literário da modernidade tem contribuído para essa disposição do falso pessimismo, embora esse pessimismo pareça ser mais induzido por apetites econômicos frustrados, e menos, pelo que Cioran fala, “alienação metafísica”. Contrário ao existencialismo de J.P. Sartre, que foca na ruptura entre ser e não-ser, Cioran lamenta a divisão entre a linguagem e a realidade e, portanto, a dificuldade de transmitir inteiramente a visão da insignificância existencial. Em um tipo de alienação popularizada por escritores modernos, Cioran detecta o ramo da moda do “parnasianismo” que elegantemente mascara uma versão aquecida de uma crença frustrada em andamento. Como uma atitude crítica em relação aos seus contemporâneos, talvez seja a razão do por quê Cioran nunca teve elogios caindo aos montes sobre ele, e por quê seus inimigos gostam de apelida-lo de “reacionário”. Para rotular Cioran de filósofo do niilismo pode ser melhor apropriado em vista do fato de quê ele é um blasfemador teimoso que nunca se cansa de chamar Cristo, São Paulo, e todo o clérigo cristão, tão bem quanto seus seculares marxistas freudianos, de sucessores totais da mentira e mestres da ilusão. Ao atenuar Cioran para uma categoria ideológica e intelectual preconcebida não se pode fazer justiça ao seu temperamento complexo, nem refletir objetivamente sua filosofia política complicada. Cada sociedade, democrática ou despótica, tenta silenciar aqueles que encarnam a negativa da sacrossanta teologia política. Para Cioran, todo os sistemas devem ser rejeitados pela simples razão de que eles glorificam o homem como criatura final. Somente no louvor do não-ser, e na total negação da vida, argumenta Cioran, a existência do homem se torna suportável. A grande vantagem de Cioran é, como ele diz, “eu vivo somente porque é meu poder morrer quando eu quiser; sem a idéia de suicídio, eu tenho me matado já há muito tempo atrás.”[4] Essas palavras testemunham a alienação de Cioran da filosofia de Sisyphus, bem como sua desaprovação do pathos moral do trabalho infestado de esterco. Dificilmente um caráter bíblico ou moderno democrata poderia querer contemplar de maneira similar a possibilidade de quebrar o ciclo do tempo. Como Cioran diz, o supremo senso de beatitude é alcançável somente quando o homem compreende que ele pode, em qualquer momento, terminar com sua vida; somente nesse momento isso significará uma nova “tentação de existir”. Em outras palavras, poderia ser dito que Cioran desenha sua força vital do constante fluxo de imagens de morte saudada, assim interpretando irrelevante todas as tentativas de qualquer compromisso ético ou político. O homem deveria, por uma mudança, argumenta Cioran, tentar funcionar como uma bactéria saprófita; ou melhor, como uma ameba da era Paleozóica. Como forma primordial de existência pode suportar o terror do ser e do tempo mais facilmente. Em um protoplasma, ou em espécies mais arcaicas, há mais beleza que em todos os filósofos da vida. E para reiterar este ponto, Cioran acrescenta: “Oh, como eu gostaria de ser uma planta, mesmo que eu teria que ser um excremento de alguém!”[5]

Talvez Cioran poderia ser retratado como arruaceiro, ou como os franceses diriam, “trouble fete”, do qual os aforismas suicidas ofendem a sociedade burguesa, mas de quem as palavras também chocam os socialistas modernos sonhadores. Em vista da sua aceitação da idéia da morte, assim como sua rejeição de todas as doutrinas políticas, não é de admirar que Cioran não mais se sente imposto ao egoísta amor da vida. Por isso, não há razão para ele no refletir sobre a estratégia de vida; alguém deveria, primeiro, começar a pensar sobre a metodologia da morte ou, melhor ainda, como nunca ter nascido. “A humanidade tem regredido muito”, escreve Cioran, e “nada prova isso melhor que a impossibilidade de encontrar uma única nação ou tribo na qual o nascimento de uma criança causa luto e lamentação”[6] Onde estão aqueles tempos sacros, pergunta Cioran, quando os bogumils balcânicos e os cátaros franceses viram no nascimento de uma criança um castigo divino? As gerações atuais, ao invés de alegrarem-se quando seus queridos morrem, estão aturdidos com terror e descrença na visão da morte. Ao invés de lamentar e lutar quando sua prole nasce, organizam festividades em massa:

“Se embargá-los é um mal, a causa desse mal deve ser vista no escândalo do nascimento – porque para nascer significa ser embargado. O propósito da separação deveria ser a supressão de todos os vestígios desse escândalo – o sinistro e o menos tolerável dos escândalos.”[7]

A filosofia de Cioran carrega uma forte marca de Friedrich Nietzsche e das Upanishads indianas. Embora seu incorrigível pessimismo muitas vezes chama a “Weltschmerz” de Nietzsche, sua linguagem clássica e sua rígida sintaxe raramente tolera narrativas românticas ou líricas, nem as explosões sentimentais que pode-se encontrar na prosa de Nietzsche. Ao invés de recorrer à melancolia trovejante, o humor paradoxal de Cioran expressa algo o qual, em primeiro lugar, nunca deveria ter sido construído verbalmente. A fraqueza da prosa de Cioran reside, provavelmente, na sua falta de organização temática. Quando seus aforismos são lidos como notas destruídas de uma boa construção musical, e também sua linguagem é bastante hermética, em que o leitor tem de tatear o significado.

Quando alguém lê a prosa de Cioran é confrontado por um autor que impõe um clima de gélido apocalipse, que contradiz completamente a herança do progresso. A verdadeira alegria está em não-ser, diz Cioran, que é, na convicção de que cada ato de criação intencional perpetua o caos cósmico. Não há propósito nas deliberações intermináveis sobre um melhor sentido da vida. A história inteira, seja a história lembrada ou a história mítica, é repleta de cacofonia de tautologias teológicas e ideológicas. Tudo é “éternel retour”, um carrossel histórico, com aqueles que estão hoje no topo, terminando amanhã no fundo do poço.

“Eu não posso desculpar a mim mesmo por ter nascido. É como se, ao insinuar a mim mesmo nesse mundo, eu profanasse algum mistério, traísse algum importante noivado, executasse um erro de gravidade indescritível.”[8]

Não significa que Cioran seja completamente isolado dos tormentos físicos e mentais. Ciente da possibilidade de um desastre cósmico, e persuadido neurologicamente de que algum outro predador pode em qualquer momento privar-se do seu privilégio para assim morrer, ele implacavelmente evoca um conjunto de imagens de morte em camas. Não é um verdadeiro método aristocrático de aliviar a impossibilidade d ser?

“A fim de vencer a ansiedade ou temor tenaz, não há nada melhor do que imaginar seu próprio funeral: método eficiente e acessível a todos. A fim de evitar recorrer a isso durante o dia, o melhor é entrar nessas virtudes logo após se levantar. Ou talvez fazer uso disso em ocasiões especiais, semelhante ao Papa Inocêncio IX que mandou pintarem ele morto em sua cama. Ele lançaria um olhar para aquela pintura toda vez que tivesse uma decisão importante a fazer...”[9]

Primeiramente, já se deve ter sido tentado a dizer que Cioran é afeiçoado em mergulhar nas suas neuroses e idéias mórbidas, como se pudessem ser usadas para inspirar sua criatividade literária. Tão emocionante que ele encontra seu desgosto pela vida que ele próprio sugere que “aquele que consegue adquiri-lo tem um futuro o qual fará tudo prosperar; sucesso assim como derrota.”[10] Tal franca descrição de seus espasmos emocionais o faz confessar que sucesso, para ele, é tão difícil adquirir quanto a falha. Tanto um como o outro lhe causam dor-de-cabeça.

O sentimento da futilidade sublime com relação a tudo que engloba a vida vai de mão à mão com a atitude pessimista de Cioran com respeito ao surgimento e à decadência dos impérios e dos Estados. Sua visão da circulação do tempo histórico lembra Vico's corsi e ricorsi, e seu cinismo sobre a natureza humana desenha na “biologia” histórica de Spengler. Tudo é um carrossel, e todo sistema está condenado a perecer no momento em que toma entrada na cena histórica. Pode-se detectar nas profecias sombrias de Cioran os pressentimentos do estóico imperador romano Marcus Aurelius, quem ouviu na distância do Noricum o galope dos cavalos bárbaros, e quem discerniu através da neblina de Panonia as pendentes ruínas do império romano. Embora hoje os atores sejam diferentes, a configuração permanece similar; milhões de novos bárbaros começaram a bater nos portões da Europa, e em breve tomarão posse daquilo que está dentro dela:

“Independentemente do quê o mundo se tornará no futuro, os ocidentais assumirão o papel do Graeculi do império romano. Necessitados de e desprezados por novos conquistadores, não terão nada para oferecer a não ser a imposturice da sua inteligência ou o brilho de seu passado.”[11]
 
 


Este é o momento da rica Europa arrumar-se e ir embora, e ceder a cena histórica para outros povos mais viris. A civilização se torna decadente quando toma a liberdade como certa; seu desastre é iminente quando se torna tolerante a todo tosco de lá de fora. No entanto, apesar de que os furacões políticos estão à espreita no horizonte, Cioran, como Marcus Aurelius, está determinado a morrer com estilo. Seu senso do trágico ensinou-o a estratégia do ars moriendi, o tornando preparado para qualquer surpresa, independente da sua magnitude. Vitoriosos e vítimas, heróis e capangas, eles todos não se revezam nesse carnaval da história, lamentando e lamentando seu destino enquanto no fundo do poço, e tomando vingança enquanto no topo? Dois mil anos de história greco-cristã é uma mera ninharia em comparação à eternidade. Uma civilização caricatural está agora tomando forma, escreve Cioran, na qual os que estão criando estão ajudando aqueles que a querem destruir. A história não tem sentido e, portanto, na tentativa de torna-la significativa, ou esperar disso uma explosão final de teofania, é uma quimera auto-destrutiva. Para Cioran, há mais verdade nas ciências ocultas do que em todas as filosofias que tentam dar sentido de vida. O homem se tornará finalmente livre quando ele tirar sua camisa de força do finalismo e do determinismo, e quando ele compreender que a vida é um erro acidental que saltou de uma circunstância astral desconcertante. Provas? Uma pequena torção da cabeça claramente mostra que a história, de fato, se resume a uma classificação do policiamento: “afinal de contas, a barganha histórica não é a imagem da qual as pessoas têm do policiamento das épocas?”[12] Suceder na mobilização das massas em nome de algumas idéias obscuras, para as permitir farejar sangue, é um caminho certeiro para o sucesso político. As mesmas massas, as quais carregaram nos ombros a revolução francesa em nome da igualdade e da fraternidade, não têm muitos anos atrás também carregado nos ombros um imperador de roupas novas – um imperador em cujo nome corriam descalços de Paris a Moscou, de Jena para Dubrovnik? Para Cioran, quando uma sociedade cai fora das utopias políticas, não há mais esperanças, e consequentemente não se pode mais haver vida. Sem utopia, escreve Cioran, as pessoas são forçadas a cometer suicídio; graças à utopia, elas cometem homicídio.

Hoje em dia não há mais utopia. A democracia de massa tomou seu lugar. Sem a democracia a vida possui algum sentido; agora, a democracia não possui vida em si mesmo. Afinal, Cioran argumenta, se não fosse por um lunático da Galiléia, o mundo seria um lugar muito chato. Ai, ai, quantos lunáticos hoje estão incubando hoje suas auto-denominadas derivativas teológicas e ideológicas. “A sociedade está mal organizada”, escreve Cioran, “ela não faz nada contra os lunáticos que morrem tão cedo.”[13] “Provavelmente todos os profetas e adivinhos políticos deveriam imediatamente ser condenados à morte, porque quando a ralé aceita um mito – prepare-se para massacres ou, melhor, para uma nova religião.”[14]

Inequivocamente, como os ressentimentos de Cioran contra a utopia poderiam aparecer, ele está longe de ridicularizar sua importância criativa. Nada poderia ser mais repugnante para ele do que o vago clichê da modernidade que associa a busca pela felicidade com uma sociedade da busca pelo prazer da paz. Desmistificada, desencantada, castrada, e incapaz de prever a tempestade que virá, a sociedade moderna está condenada à exaustão espiritual e à morte lenta. Ela é incapaz de acreditar em qualquer coisa, exceto na pseudo-humanidade dos seus chupa-cabras futuros. Se uma sociedade realmente desejasse preservar seu bem biológico, argumenta Cioran, sua tarefa primordial é aproveitar e alimentar sua “calamidade substancial”; isso deve manter um cálculo da sua capacidade de auto-destruição. Afinal, seus nativos Balkans, nos quais seus vampiros seculares hoje novamente dançam ao tom da carnificina, não têm também gerado uma piscina de espécimes vigorosas prontas para o cataclisma de amanhã? Nessa área da Europa, na qual interminavelmente se estraga pelos tremores políticos e terremotos reais, uma nova história está hoje sendo feita – uma história da qual provavelmente recompensará sua população pelo sofrimento passado.

“Qualquer que fosse seu passado, e independente de sua civilização, esses países possuem um estoque biológico do qual não se pode encontrar no Ocidente. Maltradados, deserdados, precipitados no martírio anônimo, tornados a parte entre miséria e insubordinação, eles irão, talvez, no futuro, ter uma recompensa por tantas provações, tanto por humilhação como por covardia.”[15]

Não é o melhor retrato da anônima Europa “Oriental” da qual, segundo Cioran, está pronta hoje para acelerar a história do mundo? A morte do comunismo na Europa Oriental pode provavelmente inaugurar o retorno da história para toda a Europa. Por causa da “melhor metade” da Europa, a única que nada em ar condicionado e salões assépticos, que a Europa está esgotada de idéias robustas. Ela é incapaz de odiar e sofrer, logo de liderar. Para Cioran, a sociedade se torna consolidada no perigo e atrofia: “Nesses lugares onde há paz, higiene e saque do lazer, psicoses também se multiplicam...eu venho de um país no qual nunca se ensinou a conhecer o sentido da felicidade, mas também nunca se tem produzido um único psicoanalista.”[16] A maneira cru dos canibais do novo Leste, sem “paz e amor”, determinará a direção da história de amanhã. Aqueles que passaram pelo inferno sobrevivem mais facilmente do que aqueles que somente conheceram o clima acolhedor de um paraíso secular.

Essas palavras de Cioran são objetivas na decadente França ‘la Doulce’ na qual as conversas da tarde sobre a obesidade ou a impotência sexual de alguém se tornaram maiores bafafás nas preocupações diárias. Incapazes de montar resistência contra os conquistadores de amanhã, essa Europa Ocidental, de acordo com Cioran, merece ser punida da mesma maneira da nobreza do regime antigo, o qual na véspera da Revolução Francesa, ria de si mesmo, enquanto louva a imagem do ‘bon sauvage’. Quantos dentre aqueles bons aristocratas franceses estavam cientes de que os mesmos bon sauvage estavam prestes ter suas cabeças roladas nas ruas de Paris? “No futuro”, escreve Cioran, “se a humanidade é para nascer novamente, serão os parias, com mongóis por todas os lados, com a escora dos continentes.”[17] A Europa está se escondendo na sua própria imbecilidade em frente a um fim catastrófico. Europa? “A podridão que cheira agradável, um corpo perfumado.”[18]

Apesar das tempestades que virão, Cioran está seguro com a noção de que pelo menos ele é o último herdeiro do “fim da história”. Amanhã, quando o real apocalipse começar, e como o perigo das proporções titânicas tomam forma final no horizonte, então, até o mundo “arrependido” desaparecerá de seu vocabulário. “Minha visão do futuro”, continua Cioran, “ é tão clara que se eu tivesse crianças eu iria estrangula-las imdediatamente”.[19]

Depois de uma boa lida do opus de Cioran pode-se concluir que ele é essencialmente um satírico que ridiculariza o estúpido arrepio existencial das massas modernas. Pode-se ser tentado a argumentar que Cioran oferece um elegante manual de suicídio designado para aqueles que, assim como ele, tem deslegitimado o valor da vida. Mas assim como Cioran diz, o suicídio é cometido por aqueles que não são mais capazes de agir no otimismo, e.g., para aqueles em que o fio da alegria e da felicidade rasga em pedaços. Aqueles assim como ele, os pessimistas cautelosos, “dado que eles não têm nenhuma razão para viver, porque eles teriam para morrer?”[20] A impressionante ambivalência do trabalho literário de Cioran consiste nos pressentimentos apocalípticos em uma mão, umas evocações entusiastas de horror na outra. Ele acredita que a violência e a destruição são os principais ingredientes da história, porque o mundo sem violência é condenado ao colapso. Ainda se admira do por quê Cioran é assim oposto ao mundo da paz, se, pela sua lógica, esse mundo de paz poderia ajudar a acelerar sua própria morte cravada, e assim facilitar sua imersão na insignificância? Claro que sim, Cioran nunca moraliza sobre a necessidade da violência; antes, de acordo com os cânones dos seus queridos antecessores reacionários Joseph de Maistre e Nichollo Machiavelli, ele afirma que “a autoridade, não a verdade, faz a lei”, e que, consequentemente, a credibilidade de uma mentira política também determinará a magnitude da justiça política. Admitido que isso seja correto, como ele explica o fato de que a autoridade, pelo menos do modo como ele a vê, somente perpetua o ser odioso do qual ele tão fortemente deseja para absolver a si mesmo? Esse mistério nunca será conhecido a não ser por ele mesmo. Cioran admite, entretanto, que apesar da aversão à violência, todo o homen, incluindo a ele, tem, pelo menos uma vez na sua vida, contemplado como se assa uma pessoa viva, ou como se corta a cabeça de uma pessoa:

“Convencido de que os problemas da sociedade vêm das pessoas mais velhas, eu tenho concebido o plano de liquidar todos os cidadãos que passarem dos quarenta – o início da esclerose e da mumificação. Eu cheguei a acreditar que isso foi um ponto de virada quando cada humano se tornou um insulto à sua nação e um fardo à sua comunidade...Aqueles que ouviram isto não apreciaram esse discurso e me consideraram um canibal...Esta minha intenção deve ser condenada? Ela somente expressa algo que cada homem, que está ligado ao seu país, deseja do fundo do seu coração: a liquidação de metade de seus compatriotas.”[21]

O elitismo literário de Cioran é sem comparação na literatura moderna, e por causa disso ele muitas vezes aparece como um incômodo para orelhas sentimentais e modernas domadas com canções de ninar da eternidade terrestre ou êxtase espiritual. O ódio de Cioran em relação ao presente e ao futuro, seu desrespeito à vida, continuará certamente contrariando os apóstolos da modernidade que nunca descansam de cantarolar vagas promessas sobre o “melhor-aqui-e-agora”. Seu humor paradoxal é tão devastador que não se pode toma-lo pelo valor literal, especialmente quando Cioran descreve a si mesmo.

Seu formalismo na linguagem, sua impecável escolha das palavras, apesar de algumas similaridades com autores modernos do mesmo calibre elitista, o torna difícil de seguir. Pode-se admirar o arsenal de palavras de Cioran como “abulia”, “esquizofrenia”, “apatia”, etc, que realmente mostram um ‘nevrosé’ que ele diz ser.

Se alguém pudesse atenuar a descrição de Cioran em um curto parágrafo, então deveria descreve-lo como um autor que parece na veneração moderna do intelecto, um diagrama de moralismos espirituais e da transformação feia do mundo. De fato, para Cioran, a tarefa do homem é lavar-se a si mesmo na escola da futilidade existencial, por futilidade não é desespero; a futilidade não é uma recompensa para aqueles que desejam livrar-se a si mesmos da vida epidêmica e do vírus da esperança. Provavelmente, esta pintura melhor convém o homem que descreve a si mesmo como um fanático, sem nenhuma convicção – um acidente encalhado no cosmos que projeta olhares nostálgicos em direção de seu rápido desaparecimento.

Ser livre é livrar-se a si mesmo para sempre da noção de recompensa; esperar nada das pessoas e deuses; renunciar não só esse e outros mundos, mas salvar-se a si mesmo; destruir até mesmo essa idéia de correntes entre correntes. (Le mauvais demiurge, p. 88.)
 
 
 
 1. Emile Cioran, Syllogismes de l'amertume (Paris: Gallimard, 1952), p. 72 (my translation)
2. De l'inconvénient d'etre né (Paris: Gallimard, 1973), p. 161-162. (my translation) (The Trouble with Being Born, translated by Richard Howard: Seaver Bks., 1981)
3. Cioran, Le mauvais démiurge ( Paris: Gallimard, 1969), p. 63. (my translation)
4. Syllogismes de l'amertume, p. 87. (my trans.)
5. Ibid., p. 176.
6. De l'inconvénient d'etre né, p. 11. (my trans.)
7. Ibid., p. 29.
8. Ibid., p. 23.
9. Ibid., p. 141.
10. Syllogismes de l'amertume, p. 61. (my trans.)
11. La tentation d'exister, (Paris: Gallimard, 1956), p. 37-38. (my trans.) (The temptation to exist, translated by Richard Howard; Seaver Bks., 1986)
12. Syllogismes de l'amertume, p. 151. (my trans.)
13. Ibid., p. 156.
14. Ibid., p. 158.
15. Histoire et utopie (Paris: Gallimard, 1960), p. 59. (my trans.) ( History and Utopia, trans. by Richard Howard, Seaver Bks., 1987).
16. Syllogismes de l'amertume, p. 154. (my trans.)
17. Ibid., p. 86.
18. De l'inconvénient d'etre né, p. 154. (my trans.)
19. Ibid. p. 155.
20. Syllogismes de l'amertume, p. 109.
21. Histoire et utopie (Paris: Gallimard, 1960), p. 14. (my trans.)

mardi, 22 novembre 2011

Der tragische Mythos der Geheimgesellschaft Acéphale

Der tragische Mythos der Geheimgesellschaft Acéphale

Der von Georges Bataille am Vorabend des Zweiten Weltkriegs entworfene Mythos des »Acéphale« und die gleichnamige, auf ihm begründete Geheimgesellschaft, um die es in diesem Buch geht, reden nicht der Kopflosigkeit das Wort; sie fordern die Abschaffung aller sozialen Strukturen, die von einem einzigen Kopf, sei es ein Gott, traditioneller Souverän oder faschistischer Führer, beherrscht werden. »Acéphale«, der Mythos einer »führerlosen Gemeinschaft«, ist als ein
leidenschaftliches Plädoyer für den Pluralismus, die Vielköpfig- und Vielstimmigkeit zu verstehen.

Rita Bischof rekonstruiert einen Ausschnitt aus der Geschichte der französischen Intellektuellen der Zwischenkriegszeit, über die bislang
nur die wildesten Spekulationen in Umlauf waren. Dabei tritt ein dichtes Netz ans Licht, das die französische mit der deutschen Philosophie eng verknüpft.

Tragisches Lachen

Rita Bischof

Tragisches Lachen
Die Geschichte von Acéphale
368 Seiten, gebunden mit Schutzumschlag
ISBN 978-3-88221-689-9
€ 34,90 / CHF 49,90

Stimmen


»...eine sehr kundige Analyse … eine sehr ideenreiche und inspirierende Neuinterpretation der Philosophie Batailles und somit unentbehrlich für jeden philosophisch und historisch Interessierten: ein Meisterwerk. Der Verlag Matthes & Seitz hat das Buch, gewohnt hochwertig in einer bibliophil gestalteten Hardcover-Ausgabe besorgt...hier bleiben wirklich keine Wünsche offen.«
Patrick Kilian, IKONEN, 15. August 2011

»Rita Bischof ist mit Tragisches Lachen. Die Geschichte von Acéphale ein großer Wurf gelungen. Bei der Rekonstruktion von Georges Batailles Geheimgesellschaft Acéphale spürt sie die Baupläne eines linken Sakralen auf, mit dem der Kampf gegen den Faschismus auf spiritueller Ebene geführt werden sollte.«
Frank Raddatz, Theater der Zeit, März 2011

»Bischofs Buch „Tragisches Lachen“ ist nicht nur eine kleine Kulturgeschichte, sondern auch eine kluge Soziologie männlich dominierter Intellektuellenzirkel.«
Dresdner Kulturmagazin, Dezember 2010

»Ein wenig bekanntes und von Legenden umranktes Kapitel aus der französischen Philosophiegeschichte am Vorabend des Faschismus beleuchtet die ausgewiesene Bataille-Kennerin Rita Bischof in ihrem Buch über die Geheimgesellschaft Acéphale
Uwe Schütte, Wiener Zeitung, 4./5. Dezember 2010

vendredi, 11 novembre 2011

Le ballet des asticots

 

À propos de Joseph Vebret, Céline, l’infréquentable ? (Jean Picollec éditeur) et n°2 de la revue Spécial Céline, Céline sans masque. Autopsie d'un insupportable talent (Le Magazine des Livres, Lafont Presse, septembre/octobre 2011). «Celui qui parle de l’avenir est un coquin. C’est l’actuel qui compte. Invoquer sa postérité, c’est faire un discours aux asticots.» Céline, Voyage au bout de la nuit.

On remet Céline en route, c’est tous les jours en cette glorieuse année du cinquantenaire de sa mort. Je commence à en avoir assez, je le dis tout net, et l’effet s’avère désastreux sur mes nerfs de ces fastidieuses compilations d’opinions ressassées, de tant de livres inutiles, de numéros «hors-série» fumeux fabriqués avec des bouts de chandelles, de tous ces avis doctes et cons et mille fois entendus de tout le monde et de n’importe qui : tant de broutilles indigentes, de temps perdu et de papier gâché… Je sais bien qu’il s’agit d’une industrie, que les illettrés aussi doivent gagner leur vie, etc. Permettez qu’étant femme du monde et non pas putain, je décline l’invitation à partouzer. On me proposa jadis d’écrire un petit ouvrage évoquant notre sujet : Les Céliniens, j’avais déjà mon idée, mon angle d’attaque. On me sait las méchant. On a renoncé. Je n’eusse rien pu écrire de toute façon, on ne diffame pas la canaille, à quoi serviraient sinon les lois ?
Bref, je reçois deux nouvelles publications d’anniversaire – cent et cent-unième, deux cent et deux cent-unième publiées en cette année faste ? – relatives à Céline, et Asensio me somme, avec ses grâces habituelles – pistolet sur la tempe – d’en rendre compte.
Je contemple la couverture du premier objet : Spécial Céline, c’est déjà le n° 2, – un troisième est annoncé en novembre ! –, qui s’intitule Céline sans masque. Une réminiscence de Sipriot et son Montherlant. Sous-titré : Autopsie d’un insupportable talent. Je bondis. Qui peut commettre une telle ânerie ? Je renvoie aux dictionnaires, n’importe lequel : ça ne veut rien dire. Je soupèse l’objet : 135 grammes. Pour 128 pages imprimées sur du papier torchon. Dites un prix ?… 17,50 euros ! C’est publié par Lafont Presse, un trust énorme. Ça doit leur coûter dans les 30 centimes à imprimer, et encore j’exagère peut-être, il y a longtemps que je n’ai pas joué à l’éditeur… J’ouvre et je lis le nom des deux compères éditorialistes à qui l’on doit je présume les jolis titres : MM. Joseph Vebret et David Alliot. David Alliot, je le connais, il publie un livre par trimestre sur Céline depuis quelques années. Joseph Vebret, un de ses amis me l’avait jadis décrit comme le plus désintéressé des amateurs de littérature, le plus fauché, le plus gratuit… (C’est peu de temps après que je l’ai vu deviser – oh ! quelques instants ! on n’a plus guère de patience à mon âge – avec Houellebecq, le passage juste où Houellebecq explique sa supériorité sur Baudelaire. Je me suis arrêté trente secondes plus tard, je pensais que Vebret se lèverait et partirait, que la messe était dite. Et puis pas du tout, ils continuaient de disserter sur le «génie» de Houellebecq : parce que c’est ainsi, Houellebecq a du génie, Céline du «talent» seulement…). Curieux de le retrouver là.

Second objet qui cette fois ressemble à un livre : Céline l’Infréquentable ? Publié par Jean Picollec, un ami de longue date. 208 pages, 16 euros. Je souffle un peu. Miséricorde ! l’auteur, c’est précisément et encore Joseph Vebret. Je saute à la page de faux-titre… «À Jules, parce que» : parce que quoi ? qu’est-ce que cette puérilité ! Tout de suite envie de le jeter aux orties «parce que merde»… Même page, trois épigraphes. Le nom du destinataire de la première est mal orthographié : lire «Marcel Lafaÿe»; deuxième citation, de Philippe Muray… sortie de son contexte et qui exprime exactement le contraire de ce que Muray a longuement écrit, expliqué, disséqué dans son Céline (je renvoie à ma contribution – bénévole ! – au copieux Muray à paraître à la mi-octobre aux éditions du Cerf, où précisément je traite le sujet); enfin, pied de page, dernière citation, de Gide cette fois, un article de la NRF d’avril 1938 (du 1er avril exactement, mais notre citateur n’y est pas allé chercher et c’est dommage parce que cet article, consacré entre autres à Bagatelles pour un massacre, recèle mille fois plus intéressant que la pauvre phrase qu’il en extrait) : «Les juifs, Céline et Maritan»… «Maritan» pour Maritain ! l’association est pourtant explicite quand on sait un peu d’histoire littéraire…
Soyons franc, ça commençait par trop mal. Ma patience avait été fort éprouvée déjà par un récent entretien avec le professeur Philippe Alméras à qui j’avais tenu à donner la parole puisque aussi bien tout le monde la lui refusait, mais dont la thèse ne m’a jamais convaincu. Je m’apprêtais à sabrer sans nuance ces nouvelles publications, et bien-succinctement. Heureusement, je dispose depuis plus de quinze ans d’un nègre critique, comme par hasard qui se trouve être le plus compétent des céliniens. Je l’ai donc sommé – pistolet sur la tempe, méthode Asensio – de me donner un avis nuancé sur ces deux ouvrages. Lisez plutôt.

Céline l’Infréquentable ?
– Je trouve ce petit livre très bien, c’était une très bonne idée, car il donne la parole à plusieurs céliniens qui ne se connaissent pas forcément et qui ont chacun une approche différente ou des réponses différentes… ou semblables. Une histoire avec Céline différente. Comment chacun y est venu, à quel âge, pourquoi, ce qu’il a apporté… Des âges différents; des formations différentes aussi. On pourrait reprocher à l’ouvrage de n’avoir pas donné la parole à Alméras, ou à André Derval qui aurait été plus critique à l’égard de Céline que certains. Même si on peut dire qu’aucun n’est complaisant à l’égard d’un certain Céline et que tous se posent des questions. Soulignons que ce sont des interviews, donc des «instants», des «réponses partielles», «limitées», qui demanderaient sans doute explications, nuances, compléments, non des thèses ou des études qui se voudraient complètes, définitives, mûrement réfléchies. Les interviews les plus intéressantes sont celles des jeunes céliniens : Laudelout, Mazet, Brami, Alliot. Les vieux céliniens ont tendance à plus parler d’eux-mêmes que de Céline… (N.B. : Les «vieux» céliniens sont donc, en procédant par élimination, Bruno de Cessole, François Gibault, Philippe Sollers et Frédéric Vitoux, l’ouvrage étant constitué de huit entretiens…).

Céline sans masque
– «Les céliniens : combien de divisions ?» par Marc Laudelout : une synthèse remarquable, Laudelout étant aux premières loges depuis plus de trente ans avec son Bulletin célinien pour juger des querelles intestines incessantes qui agitent le petit monde des céliniens.
Malavoy dans l’entretien qu’il accorde à David Alliot sous le titre : Le diable apparaît chez Céline est fort sympathique, il montre de l’enthousiasme, est honnête avec lui-même, mais un peu naïf tout de même, fait trop confiance à ce que dit Céline ou ce qu’en dit Lucette…
Céline et Montandon par Éric Mazet : analysant Montandon, fanatique communiste puis fanatique nazi, Mazet ne se contente pas de la caricature d’un être déjà caricatural; c’est fouillé, extrêmement précis, très éclairant.
Céline par Henri Mondor par David Alliot : il y a de l’exagération dans le titre ! Alliot n’apporte rien sur Mondor ni son texte. Même remarque pour son Céline à Kränzlin, le témoignage d’Asta Schertz. Plus intéressante est son exhumation des archives de la Préfecture de Police de Paris sur Céline. Une riche idée de rééditer ces textes peu connus ou difficilement trouvables.
L’étude de Lavenne : Image de l’écrivain, Céline face aux médias. De l’aura de l’absent à la présence du spectre, est intéressante en dépit d’un titre trop long… qui a cependant le mérite de résumer trente-six pages en moins de vingt mots.
Charles Louis Roseau, Céline ou le «marketing» de l’ancien combattant est assez complet sans rien révolutionner.
Véra Maurice, Quand les jupes se retroussent dans l’écriture célinienne, a réfléchi à son sujet…

Et voilà ce qui s’appelle de la critique enlevée ! Quant à moi, je relève la présence des mêmes noms dans les deux ouvrages, et je me demande, naïvement, pourquoi on ne demande jamais leur avis à des céliniens aussi éminents et décisifs et «qui bossent» comme disait Céline – «Tout ce que je vois, c’est que je bosse et que les autres ne foutent rien…» –, que Jean-Paul Louis qui est à l’origine de la publication des Lettres de Céline en Pléiade, mais encore de L’Année Céline depuis 1990, ni de l’extraordinaire Gaël Richard, auteur d’un Dictionnaire des personnages dans l’œuvre romanesque de Louis-Ferdinand Céline, qui prépare un Dictionnaire de la correspondance de Céline et une Bretagne de Céline, ouvrages édités parmi cent merveilles et autant de raretés par le même Jean-Paul Louis aux éditions Du Lérot (Les Usines réunies, 16140 Tusson – site : www.editionsdulerot.fr) ? La réponse est dans la question : ils bossent, ils n’ont pas de temps à perdre. Ni moi non plus pour finir.

En conclusion, et suivant ses centres d’intérêt, que le lecteur choisisse ce qu’il a envie de lire : lequel des deux ouvrages sommairement présentés supra, l’un, l’autre, aucun…
S’il recherche une introduction à l’œuvre de Céline, la plus abordable, entre biographie et essai, est le Céline d’Henri Godard qui vient de paraître (Gallimard, 594 pages, 25,50 euros). La biographie «historique» de François Gibault, en trois volumes : Céline – 1894-1932 – Le Temps des espérances; Céline – 1932-1944 – Délires et persécutions; Céline – 1944-1961 – Cavalier de l’Apocalypse, vient de reparaître au Mercure de France (compter un peu plus de 80 euros pour un peu moins de 1 200 pages).
Voyage au bout de la nuit, 505 pages, est disponible dans la collection Folio pour le prix de 8,90 euros; Mort à crédit, 622 pages, 9,40 euros, que nous conseillons aux néophytes pour aborder l’œuvre de Céline, se trouve dans la même collection.

Pierre CHALMIN
Stalker, 11/10/2011

mercredi, 09 novembre 2011

Le bulletin célinien n°335 (novembre 2011)

 

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°335. Au sommaire :

Marc Laudelout : Bloc-notes
P.-L. Moudenc : « Céline’s band »
Robert Le Blanc : Jeanne Alexandre et « Voyage au bout de la nuit »
Jeanne Alexandre : « Voyage au bout de la nuit » [1933]
Rémi Astruc : Céline et la question du patrimoine
M. L. : Céline et Jean Renoir
Pierre de Bonneville : Céline et Villon (4 et fin).

Un numéro de 24 pages, 6 € franco.

Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Belgique.

 

Le Bulletin célinien n°335 - Bloc-notes

André Derval (1) m’écrit que, contrairement à ce que j’ai laissé entendre, le colloque de février dernier n’a pas été organisé sous les auspices de la Société des Études céliniennes. « J’en suis personnellement responsable, en collaboration avec Emmanuèle Payen, de la BPI (Bibliothèque Publique d’Information, ndlr) », précise-t-il. Je suis heureux de cette rectification car j’avais déploré, on s’en souvient, qu’au cours dudit colloque, Céline ait été présenté comme un partisan du génocide. La présence active de François Gibault, président de la SEC, et d’André Derval, qui dirige la revue de la société, m’avaient induit en erreur. Mea culpa.
Il ne s’agit pas, soyons clairs, d’exonérer Céline de ses outrances. Ainsi, on regrettera, pour la mémoire de l’écrivain, que celui-ci se soit laissé aller à adresser, sous l’occupation, des lettres aux folliculaires de bas étage qui constituaient la rédaction de l’hebdomadaire Au Pilori, pour ne citer que cet exemple. Encore faut-il ajouter que des céliniens, peu suspects de complaisance, tel Henri Godard, admettent que Céline était dans l’ignorance du sort tragique réservé aux juifs déportés.
La Société des Études céliniennes n’est donc pas responsable de ces dérives et c’est tant mieux. Elle ne l’est pas davantage de l’édition du livre iconographique de Pierre Duverger, Céline, derniers clichés, coédité par l’IMEC et les éditions Écriture, dans une collection que dirige André Derval (2). Dans ce cas aussi, il faut s’en féliciter. La préfacière de cet ouvrage n’y affirme-t-elle pas que « Céline appela à l’extermination » [sic] ? C’est, une fois encore, interpréter abusivement le langage paroxystique du pamphlétaire.
Après la guerre, Céline se gaussait de ses accusateurs qui voyaient en lui « l’ennemi du genre humain » ou, pire, « un génocide platonique, verbal ». « On ne sait plus quoi trouver », ajoutait-il, désabusé (3).
Sur cette période trouble de l’occupation, il faut lire la somme de Patrick Buisson, 1940-1945, années érotiques, qui vient d’être rééditée en collection de poche (4). S’il est vrai que le rapport à l’argent, au pouvoir et au sexe détermine un individu, l’auteur montre avec perspicacité à quel point la libido joua un rôle majeur dans ces années tumultueuses. Céline y est défini comme un « thuriféraire de la France virile ». C’est sans doute l’une des raisons pour laquelle il est si mal considéré en notre époque qui voit le triomphe des valeurs féminines « au détriment de l’impératif communautaire avec lequel les valeurs mâles ont, depuis toujours, partie liée ». Et d’observer que « cette féminisation de la société s’accompagne d’un effacement symétrique des marqueurs identitaires du masculin tels que l’autorité et la force physique dont le capital social et symbolique semble promis à une lente mais inexorable évaporation ». C’est dire si Céline, qui fustigeait le pays femelle qu’était alors la France à ses yeux, aurait honni ce qu’il en est advenu.

Marc LAUDELOUT


1. Né en 1960, André Derval est l’auteur d’une thèse de doctorat, Le récit fantastique dans l'œuvre de Louis-Ferdinand Céline (Université de Paris VII, 1990). Il est actuellement responsable du fonds d’archives Céline à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC) et directeur de la revue Études céliniennes éditée par la Société d’études céliniennes. Au cours du colloque de Beaubourg, André Derval a déploré, à juste titre, qu’en France aucun travail collectif relatif à Céline ne soit entrepris par une équipe d’enseignants chercheurs, comme cela se produit pour tant d’autres écrivains.
2. Pierre Duverger, Céline, derniers clichés (préface de Viviane Forrester), Imec-Écriture, 2011.
3. Entretien avec Louis-Albert Zbinden, Radio suisse romande [Lausanne], 25 juillet 1957.
4. Patrick Buisson, 1940-1945, années érotiques (I. Vichy ou les infortunes de la vertu ; II. De la Grande Prostituée à la revanche des mâles), Le Livre de Poche, 2011. Ce livre est paru initialement en 2008 (Éd. Albin Michel).

mardi, 08 novembre 2011

Les tribulations d'un poète au pays des Soviets

Les tribulations d'un poète au pays des Soviets

Emmanuel Carrère, Prix Renaudot pour son "Limonov"

par Minnie Veyrat

Ex: http://www.metamag.fr

Quel est le metteur en scène qui s’emparera, le premier, de l’incroyable scénario écrit par Emmanuel Carrère dans son dernier livre, « Limonov » tout juste consacré par un jury Renaudot qui a jeté sa gourme ? Car, tout y est. La naissance du héros : gros plan sur le bébé couché dans une vielle caisse d’obus et suçant une queue de hareng séché. A parents médiocres, enfance morose et c’est à l’adolescence que les choses commencent à bouger.


Savenko réalise vite qu’il trouvera argent et succès chez les voyous. Il tentera donc d’en faire partie pour essayer de sortir de la grisaille de sa petite ville de Kharkov. Notre apprenti voyou, malheureusement, est aussi poète, mais n’est pas Villon qui veut !

Là, entre en jeu Anna. Grosse femme excentrique dont la librairie sera l’antichambre (puis la chambre)  des premier succès d’Edouard. Le voilà amant en titre et sa petite renommée locale commence. Il sera désormais Ed. Limonov.

Il reste qu’il faut bien vivre à Moscou où ils s’installent en 1968. Et ce n’est pas forcément déchoir pour un poète que de vendre des pantalons fabriqués à demeure. Exit Anna. Voici la splendide Elena qui partagera son rêve américain : devenir mannequin pour elle et connaître enfin le succès pour lui. Mais le rêve tourne rapidement au cauchemar.

Heureusement, une autre femme, Jenny, lui ouvre les portes d’un milliardaire dont il deviendra le « majordome poète » et que celui-ci se plaît à exhiber dans son salon. Le poète russe plaît dans le nouveau monde.

Elena le quitte et le plonge dans un de ces chagrins éthyliques à la Russe : un zapoï. Rien de tel que Paris pour se consoler. Limonov devient, ici, la coqueluche, pour un temps, des intellos de l’époque (Robbe–Grillet et Edern Hallier entre autres...), dont il fréquente le QG de la place des Vosges. Ses premiers livres autobiographiques paraissent, écrits que Madame Carrère d’Encausse juge, pour sa part, « pornographiques et ennuyeux ». C’est aussi à Paris qu’il rencontre Natacha, dont il tombe amoureux, malgré sa nymphomanie et son goût immodéré pour les boissons fortes. Là, on a envie de dire « stop ». Trop, c’est trop. Mais non, le film continue.

Une vie de merde ?

Limonov rêve de voir son pays retrouver sa grandeur. Mais, après un court passage à Moscou, où il apprend qu’Anna s’est pendue et que ses anciens amis sont soit morts soit en prison, plus rien ne le tente que la guerre. Quel meilleur endroit que les Balkans ? Croates, Serbes, Bosniaques… On s’y perd un peu, mais voici Limonov chez les Serbes en tenue camouflée, la kalachnikov à l’épaule.   

Ses livres se vendant bien, il retourne à Moscou où commence le règne de Poutine. Le voilà rédacteur en chef contestataire d’une feuille de chou, organe d’un obscur parti national-bolchévique. Il manquait la case prison, c’est fait. Le voilà condamné pour terrorisme et trafic d’armes. C’est, bizarrement, en prison qu’il accédera à une certaine sérénité. L’auteur pourra enfin peaufiner son œuvre de poète maudit, oublié de tous.

C’est là qu’il écrit, d’après Emmanuel Carrère, son chef d’œuvre, « Le livre des eaux ». Hélas, les politiciens russes ont besoin de nouvelles idoles et ils découvrent qu’un nouveau « Dostoïevski » croupit dans un camp de travail, à Engels. On l’en fait sortir en grande pompe, sous les caméras de la télévision. La suite sera sans grand intérêt.

Vous croyez écrire le mot « fin ». Vous n’y êtes pas encore. Car, dans les tribulations de ce Russe à travers le siècle, tout est vrai ou presque. Qui plus est, le vrai Limonov existe. Emmanuelle Carrère l’a rencontré. Et il pourrait être indispensable de le consulter pour éclaircir quelques points de détail, avant de dire « moteur ».

Que dire du livre d’Emmanuel Carrère ? Bien que Limonov ne soit guère sympathique, on peut comprendre la sorte de fascination qu’un tel personnage ait pu inspirer à l’auteur qui se qualifie, lui-même, de « bourgeois-bobo » et qui, bien qu’à l’opposé du voyou ukrainien, aimerait sans doute, à ses heures, voir son propre visage se dégager du reflet de Limonov dans un miroir.

Limonov, quant à lui, termine sa vie dans un beau domaine, avec sa dernière épouse et son jeune enfant. Lorsque l’on évoque, devant lui, l’Asie centrale et ses immensités, ses yeux brillent encore. Toutefois, si l’on en vient, plus largement, à parler de sa vie et de son œuvre, il répond, désabusé : « une vie de merde... »

Ce livre se lit comme un roman d’aventures ; le style est alerte, mais, parfois, Carrère fait preuve de facilité en adoptant, avec une certaine gourmandise, le vocabulaire ordurier de son modèle.

Limonov d’Emmanuel Carrère aux éditions POL, 488 pages à 20 €

lundi, 24 octobre 2011

Pierre Vial présente "Nouveaux Cathares pour Montségur" de Saint-Loup


Pierre Vial présente "Nouveaux Cathares pour Montségur" de Saint-Loup

samedi, 15 octobre 2011

Céline, un génie des lettres, un enfant et un fou

 
Céline, un génie des lettres, un enfant et un fou
 
 
 
Par Amaury Watremez. A propos de la sortie en Folio d’une partie de la correspondance de Céline, les Lettres à la NRF, passionnantes.

Les Lettres à la NRF de Céline sont au fond comme un journal littéraire de ce dernier, et dans les considérations de ces deux misanthropes on perçoit des remarques qui se rejoignent très souvent sur eux, sur leur entourage, leur œuvre, le reste de l’humanité.

Ce que dit Céline dans sa correspondance sur la littérature, il le mettra en forme plus clairement encore dans les Entretiens avec le professeur Y en particulier. Céline écrit tout du long de sa vie littéraire qui se confond avec sa vie tout court car la littérature, n’en déplaise aux petits marquis réalistes, est un enjeu existentiel. Il écrit des lettres pleines de verve, parfois grossières, à la limite du trivial. Il y explique, en développant sur plusieurs courriers sa conception de l’écriture, basée sur le style. Il se moque de l’importance de l’histoire par l’écrivain (« des histoires, y’en a plein les journaux »), se moque des modes littéraires, n’est pas tendre avec ses amis, dont Marcel Aymé, dont il suggère l’édition sur papier toilettes ainsi que l’œuvre de Jean Genet, comme un gosse jaloux du succès de ses pairs, qui entend conserver toute l’attention sur lui.

Car il cultive les paradoxes, il est misanthrope mais a soif de gloire et de la reconnaissance la plus large possible des lecteurs.

Ses correspondants ne sont pas sans talent, ainsi Gaston Gallimard, son éditeur : on s’étonne encore du flair remarquable de celui-ci en matière d’édition, on chercherait vainement son équivalent de nos jours où domine à des rares exceptions le clientélisme, l’obséquiosité, le copinage entre « beaux messieurs coquins et belles dames catins » pour reprendre le terme de Maupassant dans sa correspondance. Ce qui montre d’ailleurs que ce copinage ne date pas d’hier, ce qui n’est pas une excuse vu les sommets himalayens qu’il atteint en ce moment dans les milieux littéraires en particulier, culturels, ou plutôt « cultureux » en général.

Céline comme Léautaud est un misanthrope littéraire exemplaire, ce que sont finalement la plupart des littérateurs de toute manière, qui se libèrent des blessures subies par eux à cause de l’humanité en écrivant, en ouvrant un passage vers des univers mentaux et imaginaires inexplorées. Mais l’écriture n’est pas qu’une catharsis, contrairement à ce que les auteurs d’auto-fiction voudraient nous laisser croire, eux qui font une analyse en noircissant des pages qui ont pour thème central l’importance de leur nombril.

La misanthropie en littérature est un thème couru, maintes fois traité et repris, souvent lié à la pose de l’auteur se présentant en dandy, en inadapté, en poète maudit incompris de tous.

C’est un sujet d’écriture au demeurant très galvaudé.

Parfois, l’auteur qui prend cette posture a les moyens de ses prétentions, de ses ambitions, et d’ailleurs la postérité a retenu son nom à juste titre, pour d’autres, c’est souvent assez ridicule voire grotesque. Les artistes incompris de pacotille, les rebelles de ce type sont des fauves de salon comparés aux écrivains qui refusent les mondanités, les dorures, et l’ordure. Ces fauves de salon ne sont pas méchants, ils sont émouvants à force d’évoquer Rimbaud ou Baudelaire pour tout et n’importe quoi, de manière aussi désordonné que l’adolescent post-pubère clame sa détestation de la famille pour mieux y coconner, et continuer à se vautrer ensuite dans un mode de vie bourgeois. Et après tout, Claudel qui se réclamait de Rimbaud, et qui était un grand bourgeois conservateur, était aussi un grand écrivain, les fauves de salon peuvent donc avoir encore quelque espoir que leur démarche ne soit pas totalement vaine.

C’est encore mieux quand le prétendu inadapté rebelle, artiste et créateur, est jeune, et vendu comme génie précoce pour faire vendre (ne surtout pas oublier la coiffure de « rebelle » avec mèche ou frange « ad hoc »).

Cette rentrée littéraire, on nous refait le coup avec Marien Defalvard dont le livre s’avère certes plutôt bien écrit, et certainement réécrit, mais sans personnalité, sans saveur, sans couleur, sans odeur.

Les personnages misanthropes les plus connus sont le capitaine Némo et Alceste, les plus intéressants, les plus remarquables aussi. Louis-Ferdinand Destouches alias Céline, semble être eux aussi de véritable misanthrope, détester ses semblables.

Au final, on songe plutôt à son encontre au mot de Jean Paulhan répondant à une lettre d’injures de Céline, ces misanthropes, ce sont à la fois des enfants, des fous, mais aussi des hommes de talent, des génies avides de gloire. Ils ont des blessures diverses, surtout à cause du monde, dont ils ressentent la sottise et la cruauté plus fortement que les autres. Ce sont finalement des blessures d’amour, en particulier pour Léautaud, mais aussi pour Céline, qui feint de haïr ses semblables mais qui veut à tout prix ou presque leur reconnaissance.

Céline fût fidèle à Lucette, toujours discrète, toujours présente, consolatrice, fluette et solide, qui avait son atelier de danse au-dessus du cabinet de l’écrivain à Drancy, l’exception peut-être de quelques « professionnelles » de Bastoche, ce qu’évoque Claude Dubois dans son ouvrage sur La Bastoche : Une histoire du Paris populaire et criminel dont l’auteur de ses lignes a déjà parlé sur Agoravox.fr. Derrière les pétarades de l’auteur du Voyage on distingue aussi un grand pudique goûtant la présence discrète de sa femme attentionnée.

Ces deux auteurs comme beaucoup de natures très sensibles sont dans l’incapacité au compromis sentimental, amical, à l’amour mesuré, raisonnable, sage, et finalement un rien étriqué. Il est difficile de leur demander de rentrer dans un cadre ce dont ils sont incapables.

Sur ce point là, Céline est aussi un enfant comme Léautaud, on sent dans ses amitiés, à travers ses lettres à Roger Nimier, Denoèl ou Gaston Gallimard, cette recherche de la perfection et d’une amitié sans réelle réciprocité où c’est l’ami qui couve, qui prend les coups, les responsabilités à la place, et à qui l’on peut reprocher la brutalité et la sottise du monde extérieur, du monde des adultes où ils ne sont jamais au fond rentrés en demeurant des spectateurs dégoûtés par ce qu’ils y voient.

Sa misanthropie est aussi sa faiblesse, mais comme du charbon naissent parfois quelques diamants, de celle-ci naît le génie particulier de son œuvre littéraire. Cette hyper-émotivité du style que l’on trouve surtout chez Céline, ce chuchotement fébrile et passionné.

Amaury WATREMEZ
Agorafox.fr, 26/09/2011.

> Mes terres saintes, le blog d'Amaury Watremez.

vendredi, 14 octobre 2011

Le Bulletin célinien n°334 - octobre 2011

Le bulletin célinien n°334 - octobre 2011

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°334.

Au sommaire :

Marc Laudelout : Bloc-notes
M. L. : In memoriam Paul Yonnet (1948-2011)
Nos amis écrivent…
M. L. : Henri Guillemin, admirateur de Céline
Henri Guillemin : « Drôle de Céline ! » [1938]
Robert Le Blanc : Céline et Mahé
Pierre de Bonneville : Villon et Céline [3]
Frédéric Saenen : Céline sans contredit
François Marchetti : In memoriam Johannes C. Johansen

Un numéro de 24 pages, 6 € franco.

Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.

 
 
Le Bloc-notes de Marc Laudelout
 
Il y a quelques années, un célinien connu évoquait dans une émission radiophonique « la foi du charbonnier » de Céline. C’était interpréter abusivement une lettre au Pasteur Löchen auquel l’écrivain n’avait pas voulu faire mauvaise figure en avouant tout uniment son athéisme résolu.
Si Céline n’était pas croyant, il était surtout très hostile à l’Église catholique. La manifestation la plus éclatante figure dans Les Beaux draps : « La religion catholique fut à travers toute notre histoire, la grande proxénète, la grande métisseuse des races nobles, la grande procureuse aux pourris (avec tous les saints sacrements), l’enragée contaminatrice ». Et de déplorer que « l’aryen n’a jamais su aimer, aduler que le dieu des autres, jamais eu de religion propre, de religion blanche ». C’est aussi l’époque où il reproche vivement à la presse doriotiste d’avoir censuré une lettre qu’il adressa au chef du PPF, le passage caviardé visant précisément « l’Église, notre grande métisseuse, la maquerelle criminelle en chef, l’anti-raciste par excellence ».
Ces attaques virulentes datent de la période noire. Peu de temps avant, Charles Lacotte lui avait adressé son roman, Nicias le Pythagoricien (sous-titré « Comment les Juifs font sauter les empires »), avec cette dédicace bien sentie : « À l’effrayant Louis-Ferdinand Céline, homme d’effroyable vérité » (1). Un bilan exhaustif des nombreuses lectures du pamphlétaire dans ce domaine est impossible. On en connaît en tout cas un certain nombre, dont celles qu’il cite lui-même au début de L’École des cadavres (2).
Jusqu’à la fin, Céline n’abjura en rien ses convictions. Ainsi, dans un entretien accordé un an avant sa mort à Robert Stromberg, il constate que « l’homme blanc est une chose du passé » et qu’il « a laissé l’Église le corrompre » (3). Dans son œuvre romanesque d’après-guerre, on trouve ainsi de nombreuses allusions au déclin biologique de l’homme blanc et au manque de volonté qui fut le sien de demeurer maître de son destin. C’est la raison pour laquelle il est vain, une fois encore, de faire une distinction entre le romancier et le pamphlétaire, les écrits de fiction et les écrits de combat. On ne le répètera jamais assez : l’œuvre de Céline forme un tout. Et s’il est politiquement incorrect dans les textes interdits de réédition, il l’est tout autant sur papier bible (4).

Marc LAUDELOUT


1. Exemplaire proposé dans le catalogue de la Librairie ancienne Bruno Sepulchre. Ce « roman judéo-christien du Ier siècle » parut en 1939. Professeur révoqué pour raisons politiques, Charles Lacotte se lança dans le combat et le journalisme politique à la fin du XIXème siècle. Il publia diverses brochures, dont Nos seigneurs républicains (1909), et un pamphlet Les Guêpes, qui parut très irrégulièrement de 1906 à 1939. Député socialiste de l’Aube de 1919 à 1924, il devint délégué à la propagande du PPF pour ce département sous l’Occupation. Assassiné d’une balle dans la nuque le 31 août 1943.
2. Citons à ce propos Où va l’Église ? (1938) de Henry-Robert Petit. Céline estima cet opuscule « très remarquable » et en distribua plusieurs exemplaires autour de lui. Son auteur est d’ailleurs cité dans L’École des cadavres parmi d’autres dont Henry Coston. Celui-ci confia à Emmanuel Ratier avoir procuré une documentation à Céline pour la rédaction de ce pamphlet (cf. l’émission radiophonique « Le Libre Journal de Serge de Beketch » [2001] en hommage à Coston à la suite de son décès. Voir aussi « Lettres à Henri-Robert Petit (1938-1942) » in L’Année Céline 1994, Du Lérot-Imec Éditions, pp. 67-90.
3. Robert Stromberg, « A Talk with L.-F. Céline », Evergreen Review [New York], vol. V, n° 19, July-August 1961. Traduction française dans Céline et l’actualité littéraire, 1957-1961, Les Cahiers de la nrf (Cahiers Céline 2), 1993, pp. 172-177.
4. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, une phrase comme « Moi qui suis extrêmement raciste... » ne figure pas dans les pamphlets mais bien dans D’un château l’autre (Pléiade, p. 161).

mercredi, 05 octobre 2011

Emil Cioran - Un siècle d'écrivains (1999)

Emil Cioran - Un siècle d'écrivains (1999)

Emil Cioran - Un siècle d'écrivains (1999)

Emil Cioran - Un siècle d'écrivains (1999)

mardi, 04 octobre 2011

Houellebecq and the narrow, very liberal culture of nationalism in America

Houellebecq and the narrow, very liberal culture of nationalism in America

by Graham Lister

Ex: http://majorityrights.com/

michel-houellebecq.jpgIt is my opinion that Michel Houellebecq should be on the reading list of any committed non-liberal - assuming, of course, this paragon of nationalist virtue is interested in culture. And I think people who are seriously interested in understanding the grotesque spectacle of post-modern, ultra-liberal, hyper-modernity should be so interested. Cultural values are at the core of self-conception and define the contours of the political imagination.

The malaise facing the West goes far deeper than PeeCee and multiculturalism, even if they can be regarded as the most egregious symptoms of our total embrace of liberalism (that is, liberalism as the foundational paradigm for politics, culture, economics et al, rather than a secondary “corrective” ideology which is how classical liberalism arose).

Unfortunately no-one has a positive agenda to rebalance the West upon a sustainable course. There are of course some excellent critiques of the problems but, as yet, no really credible, putative solution has coalesced into a substantive form.

A comments elsewhere on the blog mentioned the spurning of Houellebecq, and I want to return to that. It strikes me that American nationalists in particular have a very narrow range of “cultural resources” that they bring to their politics. This also is true of many ‘nationalists’ across the board. How many times have the virtues of institutional religion (typically in the ‘Jesusland’ style) been offered as the “solution”, or indeed some bizarre “new” version of fascism offered up? Pardon the paradox but both are deeply trivial non-answers (for rather obvious reasons). The exhaustion of the already exiguous political and cultural imagination of nationalists is palpable (neo-Nazi techno anyone??? - Jesus wept). There is, sadly, a lack of genuine radicalism or innovative thought – in the true sense of thinking about these issues both deeply and widely, and in being ruthless in the analysis of old assumptions and outdated or discredited shibboleths.

Returning to Houellebecq, he is deeply anti-American in outlook, and this animosity is not without very good reason. It seems that, in general, Americans - nationalists often included - completely fail to understand that their own nation is the most profoundly liberal nation in history. America was conceived as an inorganic “social experiment” in terms of Enlightenment-derived individual liberty. Individualistic liberalism is the true American ideology/religion. To be sure, it is not the only theme in American life but the others have been peripheral to the cardinal (liberal) impetus animating American culture and society. I have encountered very few American non-liberals (a Hayekian liberal who thinks he is a conservative is still a sub-species of the liberal genus). The axiomatic and defining role of liberal philosophy in American society is something that the overwhelming mass of American people, even self-described conservatives and nationalists, have a very hard time understanding. Collectively, America has drunk from that particular (liberal) well more deeply, and for longer, than any European society.

Of course, all of the West has caught the liberal disease which is deeply corrosive to the collective well-being of ordinary Europeans – truly, we are Voltaire’s bastards. To be sustainable, any society must balance the collective interests - those unifying forces that build cohesion and social capital - and the legitimate individual impulses that invariably tend to differentiation and fragmentation. Equally, a balance must exist between the interests and desires of the present generation and those to whom we will bequeath our collective life and national community. That is why post-liberal politics is actually the “radical centre”. It is a fulcrum conceptualised, for me, in more Aristotelian terms. It is not simply the centre as conceived in the conventional political spectrum, which presently represents only relative variations of liberal political philosophy.

A final thought on American nationalist thinking. I note that the ideal of white Zion has been floated on the blog. Nothing ... nothing illustrates the difference being the inorganic, propositional societies of the New World and the organic ones of “old” Europeans. The idea that whites should move to one place is the ultimate in white-flight fantasies, and is a council of despair. No European patriot could possibly think that abandoning our ancestral homelands represents anything other than the nadir of complete and humiliating defeat. 

Why should the British tribes (the Anglos and the Celts) give up our homelands? When I am in the beautiful Highlands of Scotland I reflect on all those generations that lived in this land before me and bequeathed it to us, and I feel deeply connected to the past. What right do we have to surrender our inheritance? Do we really want to run off like cowards scared into self-destruction when faced by some uppity Africans and Pakistanis? Our American friends must try to solve their own problems in a way they judge is appropriate to their situation. However as a European patriot, I for one, will never surrender – anything else is little short of traitorous.

P.S. So we have Houellebecq as a dissector of liberal cultural values, and I would also suggest Ballard and Coetzee in this regard also. But who else might be on the “contemporary literature” reading list for the by no means narrow-minded non-liberal?

lundi, 19 septembre 2011

Furiose Zeitkritik aus dem Geist des Pessimismus

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Furiose Zeitkritik aus dem Geist des Pessimismus

von Jürgen W. Gansel
 
Ex: http://www.deutsche-stimme.de/

Erinnerungswürdig: Vor 50 Jahren verstarb der französische Dichter und Deutschenfreund Céline

Im Europa der 1930er Jahre, als rechtsautoritäre Bewegungen den überlebten Liberalismus fortspülten und einem neuen Leben den Weg ebneten, wollten auch viele Dichter nicht abseits stehen. In Frankreich war Louis-Ferdinand Céline einer der schroffsten Kritiker der liberalkapitalistischen Gesellschaftsordnung, die er für jüdisch durchsetzt hielt.

1894 wurde Louis-Ferdinand Destouches, der sich später Céline nannte, in kleinbürgerliche Verhältnisse hineingeboren. Achtzehnjährig meldete er sich zu einem Reiterregiment, mit dem er an der Flandernfront den Weltkrieg erlebte. Nach einem Aufenthalt in Kamerun studierte der Kriegsversehrte Medizin, dem sich in Amerika und Europa eine medizinische Gutachtertätigkeit für den Völkerbund anschloß. Ab 1927 arbeitete der Franzose in seiner Heimat als Armenarzt. Neben dem Kriegserlebnis schärfte dies seinen Wirklichkeitsblick und ließ  ihn zu einem anarchischen Melancholiker werden.
Mit seinem Erstling »Reise ans Ende der Nacht« wurde Céline 1932 zu einem der großen Erneuerer der Literatur. Die Anerkennung für sein bahnbrechendes Schaffen können ihm selbst jene nicht verweigern, die Grund haben, ihm politisch ablehnend gegenüberzustehen. So stellte der jüdisch-amerikanische Gegenwartsautor Philip Roth über den Romancier fest: »Er ist wirklich ein sehr großer Schriftsteller. Auch wenn sein Antisemitismus ihn zu einer widerwärtigen, unerträglichen Gestalt macht. Um ihn zu lesen, muß ich mein jüdisches Bewußtsein abschalten, aber das tue ich, denn der Antisemitismus ist nicht der Kern seiner Romane. Céline ist ein großer Befreier.«
Noch 1995 unterstrich Ernst Jünger die nachhaltige Wirkung, die Céline auf ihn hatte. »Sein Roman machte großen Eindruck auf mich«, erklärte der damals Hundertjährige, »sowohl durch die Kraft des Stils als auch durch die nihilistische Atmosphäre, die er hervorrief und die in vollkommener Weise die Situation dieser Jahre widerspiegelte.« Noch viel stärker mußte sich der Jünger der 1920er und 30er Jahre von dem Werk angezogen fühlen, das dem bürgerlichen Zeitalter seine erschütternde Schadensbilanz präsentierte. So positiv Jünger die literarische Leistung und illusionsfreie Lebenssicht des Romanciers bewertete, so negativ fiel die Bewertung der Person und ihres »plakativen Antisemitismus« aus.

Eine neue Ästhetik

Mit Sprache, Form und Inhalt der »Reise ans Ende der Nacht« setzte sein Autor neue Akzente: Umgangs- und Schriftsprache wurden zu einer lebendigen Einheit verschmolzen, und der umstandslose Wechsel von Zeiten und Orten sprengte das konventionelle Erzählschema. Vor allem aber zog der Inhalt in seinen Bann. Mit einer Mischung aus bösartigem Spott, grimmigem Humor und kalter Abgeklärtheit wird eine kapitalistische Welt gezeigt, die es besser gar nicht gäbe. Welt und Mensch erscheinen als abgrundtief schlecht und berechtigen weder zu romantischen Fluchtbewegungen noch zu revolutionären Aufbrüchen.


Célines erzählerische Kraft erhält der Roman durch den autobiographischen Charakter. Die »Reise ans Ende der Nacht« zeichnet den Lebensweg eines jungen Franzosen nach, der durch die Schrecknisse des Ersten Weltkrieges, den Stumpfsinn des Lebens in einem afrikanischen Kolonialstützpunkt, die menschliche Kälte in der kapitalistischen Metropolis New York und das soziale Elend der Pariser Vorstädte um jegliches Weltvertrauen gebracht wird.
Auf den nordfranzösischen Schlachtfeldern durchleidet der Protagonist Ferdinand Bardamus – in seinem erbärmlichen Leben wie das Sturmgepäck eines Soldaten (franz.: barda) hin- und hergeworfen – das »Schlachthaus« und die »Riesenraserei« des Weltkrieges.


In düsteren Worten geißelte Céline die Sinnfreiheit des Krieges einschließlich des Sadismus der Vorgesetzten und des Zynismus der Heimatfront. Diese radikal negative Sicht auf das Kriegsgeschehen übersteigerte er jedoch derart, daß Waffendienst an der Nation, Heldentum und Vaterlandsliebe generell als niederer Wahn erscheinen. Damit fiel Célines grenzenlosem Nihilismus auch alles das zum Opfer, was Millionen seiner Zeitgenossen heilig war. Im Gegensatz zu Ernst Jünger wollte er im Krieg auch keine Gelegenheit zu einem vitalisierenden Stahlbad und zur Steigerung aller Erfahrungsmöglichkeiten sehen. In seinem unnationalen und unheldischen Zug ist der Roman Célines befremdlich.


Viel eher stimmt man der Darstellung des entmenschlichten Lebensalltags im amerikanischen Kapitalismus zu. Erschreckend gegenwärtig mutet es an, wenn der Autor sezierend den modernen Herdenmenschen mustert. »Unheilbare Melancholie« ergreift Ferdinand Bardamus, mehr noch, Lebensekel packt ihn angesichts der »gräßlich feindlichen Welt«, die er in New York vorfindet. Vereinsamung, billige Zerstreuungen, »Zwangsarbeit« in den Tretmühlen der Kapitalbesitzer und Kommerz (»dieses Krebsgeschwür der Welt«) münden in die Essenz der Célineschen Weltauffassung: »Ein Scheißspiel, das Leben.«

Antikommunismus und Antijudaismus

Die »Reise ans Ende der Nacht« wurde sowohl bei radikalen Rechten als auch Linken positiv aufgenommen, weil jede Seite eigene Gesinnungselemente zu entdecken glaubte: Die Linke rühmte Célines Antimilitarismus und Ablehnung des Hurrapatriotismus, die Rechte faszinierte seine Verdammung der bürgerlichen Gesellschaft, sein illusionsloser Blick auf das menschliche Wesen und seine Resistenz gegenüber Utopie- und Fortschrittsglauben.
Das für die politische Biographie entscheidende Damaskuserlebnis war eine Reise in die Sowjetunion, die der Autor 1936 in dem Buch »Mea culpa« verarbeitete. Der Bolschewismus stellte für den Franzosen den totalen Bankrott jeder Ethik dar. In den roten Revolutionären sah er Heuchler, die eine Besserung der Welt versprechen, aber nur Verbrechen begehen. Als Antikommunist und Judengegner war dann Célines Weg in das »faschistische« Lager vorgezeichnet.


Schon 1916 fand sich in Briefen des Autors Judenkritisches, das 1938 in dem Buch »Bagatelles pour un massacre« (in Deutschland unter dem Titel »Die Judenverschwörung in Frankreich« erschienen) radikalisiert wurde. Aufgrund ihrer Überrepräsentanz in den Schaltstellen der Macht seien die Juden für Dekadenz und Elend der westlichen Welt verantwortlich. In dem Buch »L’Ecole des cadavres« (1939) vertrat Céline zudem die Auffassung, daß der Untergang Frankreichs nicht zu beweinen sei, weil sich die Franzosen der jüdischen Macht ergeben und damit alle Chancen zu einer rassischen Auslese vertan hätten. Dem nationalsozialistischen Deutschland bleibe dieses Schicksal hingegen erspart, weil die Deutschen ihr Volkstum pflegten.


Von Adolf Hitler erwartete er auch für die Masse der Franzosen Hilfe, weil der »Führer« gezeigt habe, wie man ein Volk zu Nationalbewußtsein und Selbstachtung führe – ein deutlicher Positionswechsel gegenüber früher, wo er Patriotismus als Herrschaftsmittel zu entlarven suchte.


Die Schrift »Les beaux draps« (1941) ist eine Hymne auf die militärische Niederlage Frankreichs im Juni 1940 und die Möglichkeit eines deutsch-französischen Bündnisses. Die Schuld am Scheitern dieser Perspektive gab er seinen Landsleuten, weil sie nur halbherzig mit den Deutschen zusammengearbeitet hätten. Es kam nicht die ersehnte Einheitspartei – eine »Partei der sozialistischen Arier« und nationalgesinnten (nichtjüdischen) Franzosen –, sondern das verhaßte Parteiensystem blieb auch nach der Niederlage bestehen.


In der Besatzungszeit unterhielt Céline Kontakte zu zahlreichen Persönlichkeiten des öffentlichen Lebens. Damals war der Dichter längst zu einer Figur auf dem politischen Parkett geworden, der an Veranstaltungen für die Kollaboration teilnahm und die »Parti Populaire Français« des Jacques Doriot aufgrund ihres antikommunistischen und antijüdischen Programms unterstützte.


Im Dezember 1941 begegnete Ernst Jünger Céline im Deutschen Institut in Paris und hielt über dessen Forderung an die deutsche Besatzungspolitik fest: »Er sprach sein Befremden, sein Erstaunen darüber aus, daß wir Soldaten die Juden nicht erschießen, aufhängen, ausrotten – sein Erstaunen darüber, daß jemand, dem die Bajonette zur Verfügung stehen, nicht unbeschränkten Gebrauch davon mache.« – Interessante Ansichten eines Franzosen, die zeigen, wie die deutsche Besatzungspolitik in Frankreich entgegen den Behauptungen der Umerziehungshistoriker eben nicht war.


Im Juni 1944 floh Céline mit seiner Frau ins deutsche Sigmaringen, wo sich bereits die Vichy-Regierung befand. Gegen Ende des Krieges setzte er sich nach Dänemark ab, wo er einige Jahre in Gefängnissen und Krankenhäusern zubrachte. In seinem Heimatland wurde Louis-Ferdinand Céline als Landesverräter verurteilt, aber 1950 amnestiert. In der »deutschen Trilogie« verarbeitete er seine Erlebnisse im Zweiten Weltkrieg und »drückte seine subversive Freude am Untergang der westlichen Zivilisation aus« (Franz W. Seidler).

Subversive Untergangsfreude

Was kann einem Céline heute noch sagen? Der Befund einer aus den Fugen geratenen, gänzlich entwerteten Welt ist aktueller denn je. Dabei hat sich der im Juli 1961 – vor ziemlich genau 50 Jahren – Verstorbene wohl nicht vorstellen können, daß seine Zeit verglichen mit dem Hier und Heute noch beinah intakte Bestände des Menschlichen aufwies. Es dürfte für ihn unvorstellbar gewesen sein, daß die »Reise ans Ende der Nacht« erst im 21. Jahrhundert als Höllenfahrt Europas richtig an Fahrt gewinnt.


Der von Céline so erschütternd und gleichzeitig großartig beschriebenen Nacht des Niedergangs muß ein neuer Morgen folgen. Bleibt er aus, gähnt wirklich nur noch das große Nichts und der Tod der europäischen Kulturvölker.

dimanche, 18 septembre 2011

Céline - Hergé, le théorème du perroquet

 Céline - Hergé, le théorème du perroquet

par David ALLIOT (2005)

Ex: http://lepetitcelinien.com/

Dans son dernier ouvrage intitulé Céline, Hergé et l’affaire Haddock ¹, Émile Brami, nous expose sa théorie sur les origines céliniennes des célèbres jurons du non moins célèbre capitaine. Même s’il ne dispose pas de "preuves" en tant que telles, l’on ne peut être que troublé par ces faisceaux qui lorgnent tous dans la même direction. En attendant l’hypothétique découverte d’une lettre entre les deux susnommés ou d’un exemplaire de Bagatelles pour un massacre dans la bibliothèque Hergé, nous en sommes malheureusement réduits aux conjectures. Pendant la rédaction de son livre, j'indiquais à Émile Brami quelques hypothèses susceptibles de conforter sa thèse. Par exemple, est-ce que le professeur Tournesol et Courtial de Pereires partagent le même géniteur ? etc. C'est un heureux hasard qui me fit découvrir un autre point commun entre le dessinateur de Bruxelles et l'ermite de Meudon. Hasard d'autant plus intéressant, qu'à l'instar de Bagatelles pour un massacre, les dates concordent. Si les premières recherches furent encourageantes, l'on en est également réduit aux hypothèses, faute de preuve matérielle.


Grâce aux nombreuses publications dont Hergé est l'objet, l'on en sait beaucoup plus sur la genèse de son œuvre. Grâce aux travaux de Benoît Mouchard ², on connaît maintenant le rôle primordial qu’a joué Jacques Van Melkebeke dans les apports "littéraires" de Tintin. Mais surtout les travaux d'Émile Brami ont permis, pour la première fois, de faire un lien entre les deux, et de replacer la naissance du capitaine Haddock et la publication de Bagatelles pour un massacre dans une perspective chronologique et culturelle cohérente. Néanmoins, il n'est pas impossible que d'autres liens entre Céline et Hergé figurent dans certains albums postérieurs du Crabe aux Pinces d’or.

Le lien le plus "parlant", si l'on ose dire, entre le dessinateur belge et l'imprécateur antisémite est un perroquet, héros bien involontaire des Bijoux de la Castafiore.

Lorsque Hergé entame la rédaction de cet album au début des années 1960, il choisit pour la première (et seule fois) un album intimiste. Coincé entre Tintin au Tibet et Vol 714 pour Sydney, Les Bijoux de la Castafiore a pour cadre exclusif le château de Moulinsart. Tintin, Milou, Tournesol et le capitaine Haddock ne partent pas à l'aventure dans une contrée lointaine, c'est l'aventure qui débarque (en masse) chez eux. Et visiblement, l'arrivée de la Castafiore perturbe le train-train habituel de nos héros. Les Bijoux de la Castafiore offre également l'intérêt d'être un album très "lourd" du point de vue autobiographique, avec des rapports ambigus entre la Castafiore et Haddock (projets de mariage), des dialogues emplis de sous-entendus ("Ciel mes bijoux") et, au final, bien peu de rebondissements et d’action. Néanmoins, au milieu de ce joyeux bazar, émerge un élément comique qui va mener la vie dure au vieux capitaine. C’est Coco le "des îles", qui partage de nombreux points communs avec Toto, le non moins célèbre perroquet de Meudon.

Illustration de David Brami
Tout d'abord, il y a l'amour que Hergé et Céline portent aux animaux. L'œuvre d’Hergé est truffée de références au monde animal ; quant à Céline, il transformera son pavillon de Meudon en quasi arche de Noé… Mais revenons aux deux psittacidés. Dans les deux cas, les perroquets sont offerts par des femmes. Lucette achète le sien sur les quais de la Mégisserie. La Castafiore destine "cette petite chose pour le capitaine Koddack". Dans les deux cas, Céline et Haddock ne sont pas particulièrement ravis de voir arriver l’animal dans leur demeure. Mais au final, ils finissent par s’y faire, voire s’en réjouissent. Céline fait de son perroquet un compagnon d’écriture, le capitaine Haddock s’en sert pour jouer un mauvais tour à la Castafiore. Autre élément commun, les deux perroquets portent presque le même nom; " Toto " pour celui de Céline, et " Coco " (avec un C comme Céline ?) pour celui de Haddock. Certes, ce n’est pas d’une folle originalité, mais bon… Détail intéressant, les deux espèces sont différentes. Lucette rapporte à Meudon un perroquet gris du Gabon (Psittacus erithacus, communément appelé " Jaco " ³). La Castafiore offre un perroquet tropical (Ara ararauna (4)). Autre détail intéressant, dans les deux cas, les perroquets parlent. Céline apprend au sien quelques mots, et même un couplet de chanson. Celui de Haddock se contente de répéter des phrases. Or de ces deux perroquets, le seul qui a la capacité de retenir quelques mots, et de parler, est bel est bien le perroquet gris du Gabon. Le perroquet tropical peut reproduire des sons (téléphone, moteur de voiture, etc.) mais il ne possède pas les capacités vocales que lui prête Hergé. Est-ce une erreur délibérée? Est-ce que la documentation d'Hergé était défaillante? Est-ce dû à l'ajout précipité du perroquet dans Les Bijoux de la Castafiore ? Cette dernière hypothèse a notre préférence.

L'autre élément qui accrédite l'hypothèse du perroquet est chronologique. La conception des Bijoux de la Castafiore et la mort de Céline sont concomitantes. Alors qu'Hergé est en train de construire l'album, Céline décède, en juillet 1961. Si peu de journaux ont fait grand cas de cette nouvelle, Paris-Match évoquera, dans un numéro en juillet et un autre, en septembre 1961, la disparition de Céline (et d’Hemingway, mort le même jour). Largement illustrés de photographies, deux thèmes récurrents se retrouvent d’un numéro l’autre: Céline et son perroquet Toto. Dans son numéro de juin, Paris Match s’extasie devant la table de travail de Céline sur laquelle veille le perroquet, dernier témoin (presque muet) de la rédaction de Rigodon... Dans le numéro de septembre, l'on peut voir la photographie de Céline dans son canapé, avec Toto, ultime compagnon de solitude.

Grâce aux biographes d'Hergé, on sait que ce dernier ne lisait pour ainsi dire jamais de livres. Quand il s'agissait de ses albums, il demandait à ses collaborateurs de préparer une documentation importante afin qu'il n'ait plus qu'à se concentrer sur le scénario et le dessin. Éventuellement, il lui arrivait de rencontrer des personnes idoines qu'il interrogeait sur un sujet qui toucherait de près ou de loin un aspect de ses futurs albums (Bernard Heuvelmans, pour le Yéti, par exemple.). Si Hergé lisait peu de livres, on sait, par contre, qu'il était friand de magazines (5) et qu’il puisait une partie de son inspiration dans l’actualité du moment. La grande question est : a-t-il eu dans les mains les numéros de Paris-Match relatant la mort de Céline ? C’est hautement probable car l’on sait qu’il lisait très régulièrement ce magazine. S’en est-il servi pour Les Bijoux de la Castafiore ? Pour cela, il suffit de comparer la photographie de Céline dans son canapé à Meudon, à celle de Haddock dans son fauteuil, à Moulinsart. La comparaison est probante.

En voyant ainsi Céline et son perroquet dans Paris-Match, Hergé s'est-il souvenu des conversations qu'il avait eu autrefois à ce sujet avec Melkebeke ou Robert Poulet ? A-t-il admiré autrefois Céline, non pas forcément comme écrivain, mais comme "éologue" antisémite ? A-t-il décidé de faire un petit clin d'œil discret au disparu en reprenant son fidèle perroquet ? Malheureusement, il est encore impossible de répondre. Lentement, les éditions Moulinsart ouvrent les "archives Hergé" en publiant chaque année un important volume chronologique sur la genèse des différentes œuvres du dessinateur. À ce jour, ces publications courent jusqu’aux années 1943, et il faudra attendre un petit peu pour en savoir plus sur la genèse des Bijoux de la Castafiore et de son célèbre perroquet.

Reste néanmoins un élément troublant. Dans son livre, Le Monde d’Hergé (6), Benoît Peeters publie la planche qui annonce la publication des Bijoux de la Castafiore dans les prochaines livraisons du Journal de Tintin. Sur cette planche apparaissent tous les protagonistes du futur album, Tintin, Haddock, les Dupond(t)s, Tournesol, Nestor, la Castafiore, Irma, Milou, le chat, l'alouette, les romanichels, etc. Mais point de perroquet, qui pourtant a une place beaucoup plus importante que certains protagonistes précédemment cités. Hergé a-t-il rajouté Coco en catastrophe? Coco était-il prévu dans le scénario d'origine ? Pourquoi Hergé fait-il parler un perroquet qui ne le pouvait pas ? Erreur due à la précipitation ? Ou à une mauvaise documentation ? Est-ce la vision de Céline et de son compagnon à plumes qui ont influencé in extremis cette décision en cours de création ? Détail intéressant, dans ses derniers entretiens avec Benoît Peeters, Hergé avoue qu'il aime se laisser surprendre: " J’ai besoin d’être surpris par mes propres inventions. D’ailleurs, mes histoires se font toujours de cette manière. Je sais toujours d’où je pars, je sais à peu près où je veux arriver, mais le chemin que je vais prendre dépend de ma fantaisie du moment " (7). Coco est-il le fruit de cette "surprise" ? À ce jour, le mystère reste entier, mais peut-être que les publications futures nous éclaireront sur ce point. Il serait temps ! Mille sabords !

David ALLIOT
Article paru dans Le Bulletin célinien n°260 de janvier 2005,
Repris dans Le Petit Célinien n°1 du 20 avril 2009.



Emile Brami, Céline, Hergé et l'affaire Haddock, Ed. Ecriture, 2004.


Notes
1. Éditions Écriture. Les travaux d'Émile Brami sur Hergé et Céline ont été présentés au colloque de la Société d'Études céliniennes de juin 2004 à Budapest, et partiellement publiés par le magazine Lire de septembre 2004.
2. Benoît Mouchart,
À l’ombre de la ligne claire, Jacques Van Melkebeke le clandestin de la B. D., Vertige Graphic, Paris, 2002.
3. Il est amusant de noter que ce perroquet est relativement courant dans les forêts du golfe de Guinée, et que sa répartition s'étend de l'Angola jusqu'à en Sierra Leone. Peut-être que le jeune Louis-Ferdinand Destouches en vit-il quelques-uns lors de son séjour au Cameroun.
4. Originaire d'Amérique du Sud, ce perroquet ne vient nullement "des îles", comme l'indique la Castafiore.
5. Hasard ?
Les Bijoux de la Castafiore évoque justement le poids grandissant des médias dans la société.
6. Benoît Peeters,
Le Monde d’Hergé, Casterman, 1983.
7. In
Le Monde d’Hergé, entretien du 15 décembre 1982. Cité également par Émile Brami, p. 73.

 

 

vendredi, 16 septembre 2011

Un Wisigoth chez les Peaux-Rouges

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Un Wisigoth chez les Peaux-Rouges

par Georges FELTIN-TRACOL

En 1975, deux ans après Le Camp des Saints et un an après La Hache des Steppes, les Éditions Robert Laffont publiaient Journal peau-rouge. Auteur, à l’époque de treize ouvrages, dont plusieurs dédiés à la recherche des « peuples perdus ou oubliés » (les Huns, les Incas…), Jean Raspail, dont les ancêtres étaient wisigoths, décrit sa rencontre avec les Indiens des États-Unis d’Amérique – on ne disait pas encore Amérindiens – en 1974. Depuis longtemps épuisé, Journal peau-rouge est enfin réédité par les bons soins d’une petite maison d’édition d’Eure-et-Loir, Atelier Fol’fer. D’une belle fracture, l’ouvrage présente une magnifique couverture photographique. On ne peut que se féliciter de cette réédition.

Journal peau-rouge est le compte-rendu quasi-quotidien d’un écrivain français désireux de connaître la situation exacte des Indiens aux États-Unis au moment où ce pays traverse une terrible crise existentielle marquée par le Watergate, la défaite au Vietnam, la contestation post-Sixties et le déclin économique. Raspail arrive à New-York le 2 mai 1974 et voyage d’Est en Ouest jusqu’en août. Il visitera une trentaine de tribus. Cette année-là, le mouvement politique indien est en pleine effervescence. Les militants radicaux de l’American Indian Movment (A.I.M.) ont occupé en 1969 l’île – prison désaffectée d’Alcatraz, puis en 1973, ils ont résisté militairement au F.B.I. à Wounded Knee. Dans trois ans, Leonard Peltier, l’une de ses figures majeures, tombera dans un traquenard qui le fera devenir le plus vieux prisonnier politique du monde. Les militants indiens calquent leurs actions sur celles des militants du Black Power des années 1960. Raspail pense que « l’Amérique est malade de ses minorités et nous n’en sommes qu’aux premiers symptômes (p. 129) ».

Néanmoins, quand Jean Raspail rencontre un maigre groupe de l’A.I.M., il a plus l’impression d’être en compagnie de garnements partant à la guerre des boutons que d’un maquis terroriste embryonnaire. N’empêche, il sait qu’ailleurs existent de vrais radicaux qui « sont des Palestiniens en puissance (p. 65) ».

Ses « libres voyages dans les réserves amérindiennes » ne sont pas une partie de plaisir. Très souvent, Raspail est mal reçu et se fait éconduire. Parfois, il est le bienvenu, notamment chez les Navajos et les Crows. Cette différence de traitement, d’une tribu à l’autre, ne doit pas surprendre : la réserve indienne bénéficie d’une autonomie interne relative et dispose de sa propre police tribale, de son propre conseil tribal, de son propre président ou gouverneur élu. Les Indiens  sont en outre citoyens étatsuniens.

hache.jpgMalgré cette large autonomie, les réserves périclitent et s’enfoncent dans un marasme total. L’eau de feu, puis bientôt la drogue, y font des ravages considérables. La description de la réserve de Santa Rosa en Californie, atteinte d’un alcoolisme endémique, est effrayante. En plus des méfaits de l’alcool, l’autre mal qui gangrène les populations amérindiennes est l’assistanat. « Avec le welfare, ils ont cessé de travailler. Ils ont cessé de s’intéresser à eux-mêmes, à leur collectivité. Ils n’ont plus fait que boire. Ils sont devenus méchants, jaloux, hargneux (p. 220). » L’effondrement de Santa Rosa ne s’explique-t-il pas aussi par l’absence d’une véritable unité tribale puisque ce n’est qu’un agrégat de « poussières de tribus (p. 221) » ? Peut-être. Surtout si on compare cette situation désespérante à celle des Crows chez qui règnent « beauté, gaieté, bonheur, franchise, confiance (p. 249) » et chez les Najavos qui l’impressionnent fortement. Plutôt que de végéter dans un éternel présent, triste et crasseux, et las d’attendre des aides fédérales émollientes, les Navajos (et d’autres tribus) ont mis à leur profit la présence de richesses souterraines. En effet, les terrains stériles du XIXe siècle se révèlent riches en gisements de pétrole, d’uranium, de charbon. Leur exploitation transforme les Indiens en nouveaux nababs quand ils le veulent. Ainsi, grâce à la manne pétrolière, les Osages, une tribu franco-indienne, réhabilitent en 1925 l’enseignement de la langue française. L’un d’eux reprochera même à Jean Raspail la vente de la Louisiane par Napoléon aux États-Unis !

Mais ce sont les Navajos qui vont le plus loin au point que l’auteur écrit à leur sujet : « une nation, un territoire, des frontières, un gouvernement, tout cela porte un nom : la patrie. La patrie navajo est une création involontaire des États-unis (p. 201) ». Verra-t-on le Najavoland comme 51e État fédéré des États-Unis ? À l’époque, le responsable de la tribu l’envisageait sérieusement…

Au cours de son périple, Jean Raspail se rend compte que « les Indiens sont assimilés (p. 58) », que leur mode de vie est celui de leurs compatriotes étatsuniens non-indiens. Bien souvent, pour survivre, les tribus parient sur un tourisme folklorique réducteur et marchand. Or certaines tribus, jadis rebelles, accompagnent cette tendance ludique afin de maintenir leur cohésion spirituelle. Cette attitude ne concerne qu’une minorité. Les autres, la majorité, croupissent dans l’alcoolisme. Non sans une certaine malice, l’auteur de Secouons le cocotier remarque que « la mentalité d’assistés des Indiens américains, merveilleux tireurs de sonnettes politiques et de cordons de budget, l’enracinement de ce qui devient chez eux un parasitisme déclaré, l’acquit des droits et le refus des devoirs, leur irréalisme érigé à l’état de système commode qui leur permet de recevoir sans participer, de crier à la mort culturelle tout en courant d’autant plus volontiers à la soupe – on pourrait établir beaucoup de comparaisons entre les Peaux-Rouges et nos jeunes gens (p. 25) ». Cet abrutissement résulte de décennies de relégations et Jean Raspail n’a pas tort de rappeler au lecteur les déportations successives, l’extermination concertée du bison par les Visages Pâles et le génocide perpétré. On l’applaudit même quand il signale « la bêtise crasse et l’impéritie des militaires américains (p. 103) ». Il révèle que le fameux 7e Régiment de cavalerie est « en réalité, un ramassis d’assassins (p. 171) » et dépeint justement cette ganache de Custer « général de cavalerie, traîneur de sabre, culotte de peau, cervelle de cheval, l’officier le plus crassement stupide, le plus bêtement vaniteux, le plus petitement méchant, le plus prétentieusement incapable d’un état-major déjà composé exclusivement d’imbéciles, dans cette armée la plus bête du monde qu’était l’armée des États-Unis d’Amérique pendant la seconde moitié du XIXe siècle, c’est-à-dire, hélas, la période des guerres indiennes (p. 170) ». Jugement brutal, mais correct toujours valable de nos jours. La Guerre de Sécession a montré la grande bêtise des généraux nordistes (rien à voir avec le général sudiste Robert E. Lee). Les plus notoires étaient un alcoolique notoire et buté, partisan de la reddition inconditionnelle du Sud, Ulysses S. Grant, et un adepte de la « Guerre totale », destructeur d’Atlanta, William T. Sherman. Au XXe siècle, les seules brillantes exceptions à cette crétinerie institutionnalisée seront parmi les officiers généraux Douglas MacArthur et George S. Patton…

Avec l’assimilation, les Indiens pâtissent aussi du métissage. « Combien le métissage a tué le Peau-Rouge plus sûrement que les cavaliers du 7e de cavalerie (p. 198). » Jean Raspail observe que maints Indiens ont des ancêtres blancs et/ou noirs. Dans certaines tribus, « il faut les voir, à chaque naissance, guetter le moindre signe d’hérédité indienne chez le nouveau venu dans son berceau. Désespérément, chacun se veut Indien, tout en refusant l’indianité au voisin tout aussi négroïde (p. 41) ». Désireux de préserver leur ethnicité, les Amérindiens appliquent alors une politique du sang : ils ne veulent pas dépasser « un taux de métissage au-delà du seizième de sang indien (p. 111) ». Aux modalités variables suivant les tribus, cette règle est en tout cas impérative si un Indien veut recevoir un jour en héritage une part de la terre qui est propriété collective de la tribu ! « La notion de territoire, insiste Raspail, est primordiale aux yeux de l’Indien. Il sait qu’il ne peut plonger ailleurs ses racines, tout assimilé qu’il soit mais non solidaire du passé occidental (p. 69) ». Attention à ne pas se tromper : les Indiens n’adhèrent pas au Blut und Boden, ni à une quelconque mystique du sang. En témoigne la tribu mystérieuse des Jackson Whites. Pendant la Guerre d’Indépendance américaine, les troupes anglaises bénéficiaient du réconfort de prostituées blanches et noires. Une fois les Anglais vaincus et partis, ces dames se retrouvèrent seules et en proie à l’hostilité violente des nouveaux citoyens américains. Fuyant les maltraitances, les survivantes parvinrent à se réfugier dans les Monts Ramapo du New Jersey. Là survivaient aussi des bandes d’Indiens rebelles. S’établirent ensuite des liens amoureux, fondateur d’une nouvelle tribu qui accueillit ensuite des mercenaires hessois en rupture de ban, des esclaves fugitifs, des brigands blancs. La région est depuis hostile à n’importe quel étranger… L’auteur ignorait qu’en 1980, l’État du New Jersey reconnaîtrait l’indianité de cette tribu d’origine algonquienne de 5 000 personnes environ, qui préfère être appelée Nation Lenape Ramapough. La tribu juge que la naissance des Jackson Whites relève de la légende urbaine péjorative et grotesque. En tout cas, pour Raspail, « la race, c’est un choix. Quand on l’a fait, il anoblit (p. 168) ».

Le refus raisonné du métissage exprime une quête identitaire indéniable. Et pourtant… Jean Raspail « cherche à comprendre ce que c’est, un Indien aux États-Unis en 1974 (p. 23) ». On lui rétorque : « Indien ? Je ne sais pas. Je l’ai toujours été… (p. 23) ». Mieux, « Indien, cela ne signifie rien du tout si le mot n’est pas accolé au nom d’une tribu. Cela n’existe pas, c’est une invention de Colomb. On est Assiniboine, Crow, Hopi, Navajo, Seneca, ça oui. Encore une fois, il n’y a jamais eu de nation indienne. Hors de la tribu, point de salut (p. 70) ». Alors, les militants amérindiens auraient-ils fait fausse route ? « Le combat pour la renaissance de l’identité perdue est tout à fait moderne. Il n’est pas particulier aux Indiens. On le retrouve partout, sursaut de l’individu contre la collectivité qui le banalise et le broie (p. 71). » Le mouvement d’émancipation amérindien contribue au grand phénomène nativiste qui ne cesse depuis de croître. Aujourd’hui, avec l’essor des casinos dans les réserves, de nombreux Étatsuniens se découvrent des ancêtres amérindiens dans l’espoir d’intégrer les tribus les plus prospères et de bénéficier de la manne financière…

Chantre de la Libération indienne et d’un retour aux structures traditionnelles, Vine Deloria a proclamé que « les formes sociales tribales ont, elles, toujours existé mais elles ont été étouffées. En les faisant renaître, les Indiens pourront non seulement redonner une nouvelle vigueur à leurs traditions, mais aussi expérimenter de nouvelles formes de vie sociale dont les Blancs auront à s’inspirer pour aborder le monde futur. Deloria rejoint ainsi toutes les renaissances régionalistes et fractionnistes, ce n’est pas bête. La tribalisation des Blancs, la recherche de l’identité à travers le clan reconstitué et même artificiellement créé, c’est peut-être une des rares échappatoires qui nous restent pour éviter l’écrasement de chacun par la collectivité (p. 42) ». Identités et écologie convergeaient déjà dans le même combat essentiel contre l’uniformité mortifère.

Et si de ce séjour peau-rouge Jean Raspail en avait retiré une leçon, celle de la tribu, de la communauté réduite, dernier carré de la résistance ou de la survie ? Ne peut-on pas voir en filigrane des prolongements de ce périple marquant dans les réflexions, les histoires et les personnages de Jean Raspail perceptibles dans son célèbre article du Figaro du 17 juin 2004, « La patrie trahie par la République », dans Septentrion, Les Hussards, Sept cavaliers…, voire Sire ? Loin d’être un ouvrage en marge, Journal peau-rouge se situe donc au cœur de l’œuvre de Raspail, d’où son importance à être lu ou relu.

Georges Feltin-Tracol

Jean Raspail, Journal peau-rouge. Mes libres voyages dans les réserves indiennes des États-Unis d’Amérique, Atelier Fol’fer, coll. « Go West », 2011, 250 p., préface d’Alain Sanders, 22 € (+ 4 € de port, B.P. 20047, F – 28260 Anet, France).


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

jeudi, 15 septembre 2011

Jean Raspail sur "Le Camp des Saints"

Jean Raspail sur "Le Camp des Saints"

 

Jean Raspail chez Taddeï (3 février 2011)

jeudi, 01 septembre 2011

Marc Laudelout sur "Méridien Zéro"

Marc Laudelout sur "Méridien Zéro"

Le Bulletin célinien n°333

Le Bulletin célinien n°333 - septembre 2011

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°333.

Au sommaire :

Marc Laudelout : Bloc-notes
François Gibault : Céline n’a pas besoin de célébration nationale
Michel Uyen : Un nouveau livre sur l’exil danois
M. L. : Réception critique du Céline de Henri Godard
Philippe Alméras : Céline à la sauce velours
M. L. : Jérôme Dupuis, Rouletabille du journalisme littéraire
M. L. : Pierre Duverger, photographe de Céline
Pierre de Bonneville : Villon et Céline (2)
M. L. : L’Année Céline 2010

Un numéro de 24 pages, 6 € franco. Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles.

Le Bulletin célinien n°333 - Bloc-notes

 
En cette époque où dérision et sarcasmes triomphent, j’imagine les commentaires acidulés de certains apprenant que la tombe de Céline fut fleurie le 1er juillet par la Société des Études céliniennes. Que les persifleurs me pardonnent de ne pas faire chorus. J’ai apprécié cette initiative qui s’avère, par les temps qui courent, vraiment anticonformiste. Quelques jours avant la date anniversaire, François Gibault adressa un courrier aux membres parisiens de la SEC pour leur donner rendez-vous au cimetière de Meudon. Le BC décida alors de relayer l’information auprès de ses abonnés disposant d’une adresse électronique.
C’est ainsi qu’une soixantaine de personnes se retrouvèrent autour de la tombe de Céline pour lui rendre l’hommage refusé par la République au début de cette année. L’initiative ne fit-elle pas l’unanimité au sein du bureau de la SEC ? Toujours est-il que celui-ci ne fut représenté que par son président ¹. Sans doute peut-on comprendre l’absence de certains. D’autant qu’être présent à Meudon ce 1er juillet, c’était s’exposer au risque de côtoyer des personnes souhaitant surtout rendre hommage à l’auteur des « pamphlets ». Cela n’a pas manqué. Certains d’entre eux, davantage familiers du Coran que de Céline, font partie de cette cohorte admirative d’un seul pan de son œuvre pour les raisons que l’on devine. Dont un individu qui, sûr de son petit effet, exhibait ostensiblement un exemplaire de Bagatelles pour un massacre. Certes on me dira que cette faune avait une allure tout à fait célinienne tant certains semblaient issus en droite ligne de Guignol’s band. Au moins faut-il reconnaître qu’ils se tinrent cois et ne troublèrent en aucune façon la réunion ².
Bien entendu, il importe de respecter la sensibilité de chacun. Ainsi n’aura-t-on pas été étonné de ne pas rencontrer certains céliniens patentés. On se souvient de l’embarras de l’un d’entre eux, il y a quelques années, lorsqu’à l’issue d’une émission télévisée, Bernard Pivot demanda benoîtement aux invités d’imaginer une question à poser à Céline si, par miracle, il apparaissait devant eux.
Coïncidence : ceux qu’on peut qualifier de « céliniens historiques » – François Gibault, Frédéric Vitoux, Philippe Alméras et Henri Godard – ont cette particularité commune d’avoir écrit une biographie de Céline. La dernière en date étant celle de Henri Godard. Pour ma part, j’ai apprécié la finesse et la densité de ce travail même s’il y a inévitablement des réserves à formuler. Le climat délétère de la IIIe République eût mérité d’être décrit tant il explique aussi l’éclosion des écrits de combat. En revanche, l’auteur montre bien comment Céline est venu à l’écriture, lui qui fut élevé dans un milieu où rien ne le prédisposait à une destinée d’écrivain. Les pages concernant ses années de formation sont éclairantes à cet égard. Dans notre numéro de juin, nous avons publié l’appréciation élogieuse de Frédéric Vitoux. Vous lirez dans ces pages celle, plus critique, de Philippe Alméras, ainsi qu’un panorama de la réception critique du livre. Le BC renoue ainsi avec le débat qu’il a toujours tenté de privilégier — le lecteur demeurant finalement seul juge.

Marc LAUDELOUT


1. Rappelons que les membres du conseil d’administration sont : Isabelle Blondiaux, André Derval, David Fontaine, Henri Godard, Marie Hartmann, Catherine Rouayrenc, Christine Sautermeister, et Alice Stašková. Cela étant, plusieurs céliniens, membres ou non de la SEC, étaient présents : David Alliot, Anne Baudart, Christian Dedet, Michel Déjus, Jérôme Dupuis, Valeria Ferretti, Matthias Gadret, Philippe Ginisty, Frédéric Monnier, etc.
2. Cf. Louis Egoïne de Large, « Chapeau Meudon et Bagatelles », Le Clan des Vénitiens [http://blanrue.blogspot.com], 10 juillet 2011.

mardi, 26 juillet 2011

Marc Laudelout sur Louis-Ferdinand Céline

 

Céline, bulletin celinien, un homme, un destin,

Marc Laudelout sur Louis-Ferdinand Céline
http://meridienzero.hautetfort.com/archive/2011/07/06/emission-n-57-louis-ferdinand-celine.html

dimanche, 24 juillet 2011

L. F. Céline: nouvelles parutions italienne et néerlandaise

Louis-Ferdinand Céline: nouvelles parutions italienne et néerlandaise

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/ 

 
Parution aux éditions Il Settimo Sigillo de lettres de Céline à la presse collaborationniste entre 1940 et 1944. Un choix d'Andréa Lombardi, préfacé par Stenio Solinas, traduit du français par Valeria Ferretti. http://lf-celine.blogspot.com

Presentiamo qui, per la prima volta in italiano, le discusse lettere e gli scritti di Louis-Ferdinand Céline alla stampa collaborazionista francese e apparse su “Je suis partout”, “Au Pilori”, “Germinal”, “La Gerbe”...
I temi toccati da Céline in queste lettere “maledette”, vanno dalla disfatta del 1940 e Vichy, gli ebrei, il razzismo, la guerra, la collaborazione franco-tedesca e gli intellettuali, alla polemica letteraria contro Proust, Cocteau e Peguy. Nel volume sono anche riprodotte le pagine originali delle ormai introvabili riviste e quotidiani dove apparvero gli scritti tradotti, mentre le appendici comprendono la risposta di Céline alle accuse della Procura francese, un ricordo di Céline scritto da Karl Epting, direttore dell’Istituto Tedesco di Parigi, un breve saggio sulla cultura politicizzata della Sinistra in quegli stessi anni e uno sui rapporti tra gli intellettuali francesi e tedeschi, e numerose fotografie.



Un livre de Nico Keuning paraît en néerlandais sur la période de l'exil danois, De laatste reis, De Deense jaren van Céline in ballingschap 1945 - 1951, aux éditions Aspekt.


Louis-Ferdinand Céline (1894-1961) heeft als soldaat, (onder zijn werkelijke naam Destouches), arts en schrijver een turbulent leven geleid. Als avonturier en gelukzoeker zocht hij zijn heil in Afrika en in zijn functie als hygiënist van de Volkenbond reisde hij onder andere naar Amerika, Engeland, Duitsland, Denemarken...

Met zijn roman Reis naar het einde van de nacht (1932) bracht hij een vernieuwing in de Europese literatuur teweeg. ‘Ik heb de emotie weer in de schrijftaal gebracht.’ In Nederland vond hij bewonderaars onder schrijvers als Gerard Reve en W.F. Hermans. Wellicht ook door zijn misantropie, paranoia en eigenzinnigheid. Eind jaren ’30 neemt zijn carrière een dramatische wen- ding als hij in antisemitische pamfletten openlijk sympathiseert met ideeën van het nationaal-socialisme en het Franse volk waarschuwt tegen de joden en de dreiging van een Tweede Wereldoorlog. Uit angst geëxecuteerd te worden, slaat Céline in juni 1944 op de vlucht.

De laatste reis laat een andere Céline zien: een schrijver in het plunje van een zwerver op de vlucht door Duitsland, ondergedoken in Kopenhagen, opge- sloten in de Vestre Fængsel, de gevangenis in Kopenhagen, onder huisarrest in Klarskovgaard op het Deense eiland Seeland. Een kankerende Céline, een hatende Céline een wanhopige Céline, maar vooral een schrijvende Céline. Tijdens zijn Deense ballingschap (1945-1951) schreef hij naast een aantal romans zo’n vierduizend brieven, waarvan honderden aan zijn advovaat Thorvald Mikkelsen die in een ministerie van Justitie de slepende rechtszaak uiteindelijk wist te winnen.

Nico Keuning bezoekt de adressen in Kopenhagen, Korsør en Klarskovgaard, komt in contact met Céline-kenners, vindt nieuwe documenten, ontdekt een ‘pleitrede’ van Céline uit 1946 en werpt een ander licht op de Deense jaren van zowel de persoon Destouches als de schrijver Céline, die nu vijftig jaar geleden, op 1 juli 1961 in Meudon overleed.

jeudi, 21 juillet 2011

Le Bulletin célinien n°332

Le Bulletin célinien n°332 - juillet/août 2011

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/

 
Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°332.
 
Au sommaire :

- Bloc-notes (Marc Laudelout)
- In memoriam Colette Destouches
- L’année de Céline ou « la fête des fous » (Pierre Lalanne)
- In memoriam Thomas Federspiel (François Marchetti)
- Huit entretiens sur Céline (Frédéric Saenen)
- La revanche posthume de Céline (Jérôme Dupuis)
- Céline toujours indésirable à Montmartre (Marc Laudelout)
- Villon et Céline [1] (Pierre de Bonneville)
- Céline en Goétie (Philippe Alméras)
- Hommage de la S.E.C. à Céline

Un numéro de 24 pages, 6 € franco.
Le Bulletin célinien, B. P. 70, Gare centrale, BE 1000 Bruxelles
 

 

 

vendredi, 03 juin 2011

Louis Boussenard, un écrivain-aventurier

Louis Boussenard, un écrivain-aventurier dans le meilleur sillage de Jules Verne

Autore: Jean Mabire

Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

D’une génération suivant celle de Jules Verne, Louis Boussenard semble en avoir parfaitement assimilé toutes les recettes. Comme son grand aîné, il réussit à nous faire partager la passion des «voyages extraordinaires» sans pourtant jamais arriver au même succès. S’il est un nom qui apparaît souvent dans la littérature populaire à partir des débuts de la IIIe République, c’est bien celui de Louis Boussenard, qui ne cache guère son ambition de s’imposer dans le sillage de Jules Verne et connaîtra indéniablement
la faveur d’un vaste public.

Sa méthode de publication est simple: feuilletons dans le célèbre Journal des Voyages puis parution en volume, sous cartonnage d’éditeur, notamment par les soins de Flammarion, puis de Tallandier. Il écrira ainsi une quarantaine de romans qui le classent d’emblée parmi les meilleurs auteurs du genre. Son biographe, Thierry Chevrier, en lui consacrant plusieurs articles dans l’indispensable Rocambole, le célèbre bulletin des amis du roman populaire, a grandement contribué à faire revivre une oeuvre à laquelle son illustrissime aîné risquait sans doute de porter ombrage par la magie d’un récent tapage médiatique quelque peu démesuré. Du moins, Boussenard en aura-t-il profité par ricochet.

Rien que ses origines familiales sont pour le moins pittoresques: le futur écrivain populaire naît à Escrennes dans le Loiret, le 4 octobre 1847. Sa mère est une jolie lingère d’une vingtaine d’années, du nom d’Héloïse Lance, qui aura pour ami le régisseur de la propriété où elle travaille, Louis-Antoine Boussenard, de plus d’un quart de siècle son aîné. On dit que ce séducteur est lui-même le fils d’un moine défroqué! Le jeune Louis, après de bonnes études à Pithiviers, se dirige vers la Faculté de médecine de Paris, mais la guerre éclate et il rejoint les armées. Durant le siège de la capitale, il servira comme aidemajor. Au début du mois de décembre 1870, il sera même blessé durant la bataille de Champigny.

Finalement, la littérature et les voyages l’attirent plus que la médecine. On le retrouve, dit-on, aux antipodes pendant
plusieurs mois au début de l’année 1876. De ce séjour lointain, il ramènera son premier roman, qui s’intitule tout simplement A travers l’Australie et paraîtra en feuilleton au printemps 1878. Le succès est immédiat, car l’ancien étudiant en médecine a le sens de la couleur locale (même quelque peu enjolivée) et surtout de l’action avec ce qu’il faut de violence et de suspense comme on dit aujourd’hui.

Voici donc Boussenard entré dans la république des lettres par la grande porte. Il récidive, dès l’année suivante, avec ce qui sera son premier très grand succès – et en quelque sorte le livre emblématique de sa carrière: Le Tour du Monde d’un Gamin de Paris. Il lui faut d’abord imaginer son héros: ce sera un garçon de 17 ans, qui répond au nom de Victor Guyon et reçoit le surnom de «Friquet». Il faut croire qu’il attire le lecteur puisqu’il y aura une dizaine de volumes de ses aventures et que le nommé «Friquet» aura même une sorte d’alter ego féminin sous le pseudonyme de «Friquette», dans les dernières années du siècle.

Son second séjour lointain, en 1880, en Guyane, sera décisif pour sa carrière. Cette fois, il n’a pas hésité à se documenter sur le terrain, débarquant à Cayenne et explorant les rives du Maroni pour rencontrer les indigènes de la Guyane française comme de la Guyane hollandaise. Il fréquentera même des bagnards, car le pénitencier est alors en pleine expansion, et ne manquera pas de croiser la route des chercheurs d’or. De ce voyage, qui prendra par moments l’aspect d’un périple quasi initiatique, naîtront les trois volumes de son nouvel ouvrage: Les Robinsons de la Guyane. Il a désormais trouvé la formule qui fera sa renommée.

Il lui suffit donc de multiplier voyages et aventures, en privilégiant les terres exotiques, mais sans obligatoirement se rendre sur place. La plupart de ses livres seront désormais un peu tous construits sur le même modèle, comme A travers l’Océanie ou Aventures de trois Français au pays des diamants. Cet écrivain qui se situe sans vergogne dans le sillage de Jules Verne ne montre pas une imagination délirante dans le choix de ses titres, comme en témoignent ses romans de la fin des années 80: Au pays des lions, Au pays des tigres, Au pays des bisons… Il se montrera quand même plus imaginatif avec Les chasseurs de caoutchouc et surtout Les secrets de monsieur Synthèse qui montrent qu’il aurait pu avoir quelque don pour la science-fiction et renouveler ainsi son imaginaire.

On le verra notamment avec Les aventures extraordinaires d’un homme bleu. Comme son célèbre maître, il ne peut s’empêcher de se livrer à des considérations historiques, géographiques et surtout ethnographiques, qui sont incontestablement un des charmes de son oeuvre, même si elles contribuent à la dater quelque peu. Il n’empêche que nous avons bien du plaisir à le suivre à travers le monde, de l’empire des Indes aux Etats-Unis, en passant par l’Afrique du Sud, les pays balkaniques, Bornéo et, bien entendu, le pôle Nord, qui n’a jamais été tant à la mode.

C’est en 1899 que cet écrivain d’aventures décide de terminer le siècle en beauté avec un de ses récits les plus ambitieux et les plus célèbres: L’enfer de glace. Il s’agit d’une de ses courses pour la conquête de l’Arctique, dernier espace aussi mystérieux qu’inexploré. Paru en 1892, ce récit volontairement très héroïque, reflète assez bien les préoccupation de l’époque, à commencer par un patriotisme pour le moins exacerbé. Quatre personnages sont alors en compétition: l’Anglais Sir Arthur Leslie, le Russe Sériakoff, le Français d’Ambrieux et l’Allemand Pregel. C’est entre ces deux derniers que la complétion sera la plus rude, car une question emblématique les sépare: l’Alsace-Lorraine! Aucun des explorateurs n’est décidé à faire de cadeau à ses concurrents et le duel tourne au drame quand les uns possèdent encore un navire sans provisions tandis que les autres n’ont plus que des vivres sans bâtiment pour les transporter dans les solitudes polaires. La remontée le long des côtes du Groënland sera pour tous ces explorateurs un long calvaire, qui se terminera sur une banquise dérivant jusqu’au cap Tchéliouskine en Sibérie. Deviner qui sera le vainqueur n’est pas une grande surprise.

Louis Boussenard se montre aussi passionné par le roman historique, comme en témoignent Le capitaine casse-Cou, Le zouave de Malakoff, Marko le Brigand ou ses livres consacrés aux divers conflits qui ensanglantent la vieille Europe de son temps. Mais il n’est pas homme à ne s’intéresser qu’au passé et comme beaucoup de ses contemporains il croit avec une sorte de fanatisme à l’aviation naissante, y consacrant un livre qui n’aura pas moins de deux titres successifs: Les gratteurs du ciel ou Les aventuriers de l’air. Son dernier ouvrage paraîtra à titre posthume en 1912: Friquet, Totor et Compagnie (Totor étant le fils de Friquet) car Louis Boussenard est mort le 11 septembre 1910 à Orléans.

(National-Hebdo n. 1132 – 27 mars 2006).

 

vendredi, 20 mai 2011

Le Bulletin célinien n°330 (mai 2011)

 
Vient de paraître : Le Bulletin célinien, n° 330.
 
Au sommaire:

Marc Laudelout : Bloc-notes
Jean-Pierre Doche : Voyage inutile ! (Jean-François Balmer à Sceaux)
Stéphane Balcerowiak : Une lettre [sur Céline] de Ramon Fernandez à Pol Neveux
F. G. : « Ça a débuté comme ça » (Théâtre du Pont Neuf, à Toulouse)
Jean-Paul Angelelli : Le retour de Lucien Rebatet
Stéphane Balcerowiak : Revin vaut bien une thèse
M. L. : Céline et le légionnaire
Frédéric Saenen : Un dilettante déloyal (Jean Fontenoy)
Alain Ajax : Point de vue. M. Godard est-il négligent ?
Agnès Hafez-Ergaut : Hommes, chevaux et guerre dans Casse-pipe (II)
M. L. : Céline sur tous les fronts (IV)
M. L. : David Alliot, pourfendeur des idées reçues sur Céline

Un numéro de 24 pages, illustrations. Prix : 6 € frais de port inclus (chèque à l’ordre de M. Laudelout).

Le Bulletin célinien

B. P. 70
Gare centrale
1000 Bruxelles
Lors du colloque Céline qui s’est tenu au Centre Pompidou en février dernier, il s’est produit un incident pittoresque. Se présentant à la fois comme membre de la Ligue des Droits de l’Homme et de la Société des Études céliniennes depuis des décennies, un auditeur s’est dit accablé par les réquisitoires dont Céline était l’objet, ne reconnaissant pas l’écrivain (dont il est un lecteur assidu) dans le portrait totalement à charge qu’on faisait de lui. Il faut dire que Martin, Lindenberg, Hartmann & cie ne firent pas dans la dentelle, présentant Céline comme le chantre des camps de la mort. Assertion que même un Henri Godard, peu suspect de complaisance envers Céline, a toujours récusée (1) .
Ainsi arrive-t-on à culpabiliser les lecteurs de Céline. Un philosophe médiatique – et, accessoirement, ancien ministre de l’Éducation Nationale – n’a pas hésité à estimer « douteuse » l’admiration que l’écrivain suscite (2).
Une spécialiste de Céline met, elle, en garde le lecteur de… Voyage au bout de la nuit car on y trouve « tous les ingrédients pour le populisme actuel » : « Le regard porté par Céline sur son époque, est aussi dangereux pour la nôtre. De Céline, il n’y a pas de lecture innocente possible : la vigilance doit s'exercer jusque dans l’appréciation du style, et pas seulement dans l’effort pour restreindre à l'œuvre, l'admiration que nous pourrions être tentés d'éprouver pour l'écrivain (3). » Vigilance donc. On se plaît à imaginer les commentaires goguenards que cette prose eût inspiré à Albert Paraz. Dans son journal, il campe un nommé Reilhac, marxiste de stricte observance, s’écriant : « Ça sent le néo-fasciste ! Vigilance ! ». Et Paraz d’ajouter : « Croyez-moi, il a trouvé le moyen de dire ça en roulant les R. » (4)
On apprend, par ailleurs, que la municipalité de Paris s’apprête à dénommer « place Louis-Aragon » un coin de l’île Saint-Louis, au prétexte que le poète stalinien a vécu, dans l’immeuble qui surplombe ce coin, une liaison avec la milliardaire anglaise Nancy Cunard. Le maire de Paris, qui s’est associé aux cris d’orfraie de Serge Klarsfeld contre Céline, ne voit donc aucun inconvénient à honorer Aragon qui appela au meurtre de Léon Blum et qui osa applaudir à l’assassinat d’un enfant (le tsarévitch de Russie), ajoutant au crime l’insulte et la moquerie (5).
« Céline s’est mis à jamais hors de toute consécration officielle », affirmait Henri Godard en 1994, puis en 1998 (6). Une dizaine d’années plus tard, il revenait sur ce jugement en cautionnant l’inscription de Céline dans les « Célébrations nationales 2011 ». On sait ce qu’il en advint. En portant un regard suspicieux sur les lecteurs de Céline, une étape est désormais franchie.

Marc LAUDELOUT

1. « Il n’y a, dans les textes, correspondances ou propos mis au jour jusqu’à présent aucune attestation d’une connaissance de la réalité du processus de solution finale. » (Henri Godard, Notice de « Guignol’s band » in Romans III, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1988, p. 945.)
2. Luc Ferry, « Célébrer Céline ? », Le Figaro, 29 janvier 2011. La citation est la suivante : « Céline n’est ni Hugo ni Molière : non seulement le jugement de l’histoire n’est pas passé, mais l’« admiration » qu’il suscite est pour le moins douteuse, à proprement parler discutable si l’on songe que l’exceptionnelle virulence de son antisémitisme n’est pas ou ne peut pas être tout à fait sans lien avec le fond de son œuvre. »
3. Frédérique Leichter-Flack, « Céline, le « style contre les idées » ? Méfiance ! », www.lemonde.fr, 27 janvier 2011.
4. Albert Paraz, Valsez saucisses, Amiot-Dumont, 1950, p. 82.
5. Dans Hourra l’Oural (1934). Texte réédité dans les Œuvres complètes d’Aragon (La Pléiade).
6. Henri Godard,
Céline scandale, Gallimard, coll. « Blanche », 1994 (rééd. Gallimard, coll. « Folio », 1998).

 

 

mercredi, 18 mai 2011

Maurice Dantec entre Guerre froide et Djihad

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Maurice Dantec entre Guerre froide et Djihad

 

par André WAROCH

 

Pourquoi les guerres de religion sont une chose trop sérieuse pour être laissées aux catholiques

 

De Maurice Dantec, j’avais tenté de lire une ou deux œuvres de fiction, comme Les racines du mal dont j’avais péniblement parcouru quelques dizaines de pages avant de renoncer, définitivement rétif au style du romancier. M’avaient en revanche beaucoup plus intéressé les étranges Théâtres des opérations, T.D.O. pour les intimes, trois tomes d’un journal sauvage tenu entre la fin des années 90 et le milieu des années 2000.

Je pense pouvoir dire, après l’avoir lu et relu, après avoir médité sur ses inconséquences et ses insuffisances, que Maurice Dantec est un des écrivains importants de notre époque. Un de ceux, peut-être, sur lesquels se pencheront les historiens de l’an 3000, lorsqu’ils porteront leur regard sur la période actuelle, sur ce Bas-Empire de la Modernité, et qu’ils chercheront à établir l’anthologie des écrivains symptomatiques de la dégénérescence de l’Occident. Ou de ceux qui feront figure d’exception.

Il était une fois un banlieusard rouge né à la fin des années cinquante, et ayant développé par réaction (déjà !) une fascination pour les États-Unis; pas celle que peut éprouver le gauchiste de base pour les virus mondialistes qui s’y développent (comme le dit magnifiquement Dantec, le gauchiste n’aime pas l’Amérique, il aime l’Amérique qui déteste l’Amérique), mais plutôt l’admiration rêveuse que tant d’Européens ont sainement éprouvé pour ce pays, pour ses mythes, pour ses grands espaces, son sud profond, sa musique, sa littérature.

Alors que les Américains se relevaient de la guerre du Vietnam et finissaient par terrasser l’Union soviétique, l’Europe de l’Ouest, dans son morbide paradis postmoderne, s’engageait dans une direction inquiétante. Immigration, colonisation, insécurité, exactions, islamisation. Rome n’était plus dans Rome, et personne ne savait plus où la trouver. Maurice Dantec, soldat perdu de l’Occident, partit donc en quête de la nouvelle capitale. Il la trouva, sa Ravenne, et il dut pour cela traverser tout un océan.  Elle n’était peut-être pas aussi belle qu’il l’avait cru, peut-être aussi était-elle déjà atteinte par la vérole qui avait déjà emportée les provinces de l’autre rive. Mais elle n’avait pas, elle, renoncé à se battre. Lui non plus.

Littérateur nourri de théologie, de science-fiction, et d’une herbe d’excellente qualité, Maurice Dantec mit au service de la cause occidentale et chrétienne sa rage, son mysticisme, sa haine de ce qu’était devenue l’Europe. Enfant battu de Saint-Augustin et d’Iggy Pop, il ne tenta ni un traité théologico-politique pour discussions de salons de thé avec Emmanuel Todd, ni un journal intime, dans lequel il aurait relaté la détresse sexuelle de l’orignal du Nouveau-Brunswick les soirs d’aurore boréale. Dantec, complètement défoncé à diverses substances dont il dressait l’inventaire au fur et à mesure de cet anarchique bréviaire, exilé ayant laissé son cœur battant dans les profondeurs des Abysses hexagonales, nous livra, sans méthode aucune, son âme malade, ses haines inexpiables, l’aigreur et le désespoir qui l’avaient fait fuir un continent perdu qu’il n’eut pas le courage – ou la cruauté -  de continuer à voir s’enfoncer dans l’abîme.

8929-medium.jpgSes envolées guerrières, ses insultes faciles et ses outrances, cette exaltation que l’âge ne semblait pas devoir tempérer, tout cela s’étalait au fil de milliers de pages, entre deux hommages à Kelly Minogue ou Bertrand Burgalat. Ses T.D.O. sautaient du coq à l’âne, sans queue ni tête, sans début ni fin, bref, ils ressemblaient beaucoup trop à la vie pour qu’on puisse en tirer quelque chose d’aussi simple qu’un résumé.

Le problème de Dantec, malgré ce qu’il avait envie de croire, c’est qu’il était le produit de son époque. Les jeunes femmes à qui il est arrivé, après une soirée étudiante, de se réveiller dans des draps inconnus, l’entrejambe poisseuse, pourraient en témoigner : sous l’influence de certaines substances, on peut parfois, sans trop réfléchir, faire des choses qu’on regrettera une fois dégrisé.  Qu’il est ainsi cruel de comparer ce qu’avait écrit Dantec au sujet des bombardements sur la Serbie en 1999 et l’union sacrée qu’il prônait, cinq ou six ans plus tard, contre l’islam.

Celui qui prenait les Kosovars pour les nouveaux juifs du Ghetto de Varsovie et Milosevic pour un nouvel émule d’Hitler ou de Staline, en venait, dans le troisième tome, à soutenir Vladimir Poutine qui, selon certaines estimations, a supprimé le quart ou le tiers de la population tchétchène. Il en appelait dorénavant à l’union sacrée de tous les non-musulmans contre la religion islamique, alors qu’en 1999 il nous faisait sa petite précieuse : et que Milosevic n’était pas un chrétien mais un communiste, et que les Serbes ne menaient pas une guerre comme des gens bien comme il faut, et que les Bosniaques n’étaient pas vraiment des musulmans (était-il au courant que les Musulmans du Kosovo étaient des Albanais, et non des Bosniaques ? On pouvait croire que non, tant son combat en faveur des premiers n’apparaissait que comme un prolongement de celui qu’il mena pour le compte des seconds).

Maurice Dantec n’avait pas une grande culture politique et historique. Il reproduisait donc les schémas de la Guerre froide, ou chaque camp, pour l’emporter sur l’autre dans le cœur des peuples européens, se présentait comme celui qui avait terrassé un mal nommé l’Allemagne hitlérienne et qu’il était nécessaire, dans cet optique, de présenter comme absolu. Après avoir  refusé de voir que le régime serbe, pour « communiste » (très crépusculaire) qu’il soit, combattait l’islamisation de l’Europe, il se mit à traiter les islamistes de fascistes et de nazis, ce qui n’était pas non plus la meilleure manière de comprendre le monde tel qu’il était devenu. L’islam était plus que millénaire, le nazisme et le communisme étaient nés et morts – ou presque – au XXesiècle. À les utiliser comme des catégories conceptuelles absolues, on risquait donc de ne rien comprendre au monde tel qu’il était devenu, ou peut-être tel qu’il n’avait jamais cessé d’être, avant et après ces deux parenthèses historiques.

On ne peut s’empêcher de penser que la conversion au catholicisme de Maurice Dantec, si sincère put-elle paraître, y compris aux yeux de l’intéressé, n’est qu’un moyen de plus pour Maurice de continuer la lutte. Une énième provocation. Un acte politique travesti en révélation mystique. Le christianisme comme arme, comme étendard contre l’islam, comme il le fut jadis contre le communisme.

L’Église catholique, quand on regarde son histoire, et contrairement à ses rivales protestantes et orthodoxes, est une machine de guerre, qui instrumentalise la religion à des fins politiques, tel que l’avait bien décrit A.S. Komiakov. Alors, pourquoi pas, effectivement ? Pourquoi ne pas enfin assumerla nature profondément machiavélique de cette Église, dont la fonction fut toujours de prolonger l’Empire romain sous une forme métapolitique. Le célèbre mot d’Henri IV, « Paris vaut bien une messe », pouvaient résumer à eux seuls mille cinq cent ans de catholicisme.

Maurice Dantec n’est pas encore prêt à sauter le pas qui sépare l’hypocrisie du cynisme. Mais il est sur la bonne voie. Il a toujours été sur la bonne voie. Son bad trip post-Guerre froide, dans American Black Box, le meilleur de trois T.D.O., est doucement en train de s’atténuer, parce que Dantec est en train de se constituer, à force de délaisser quelque peu la littérature pour les livres d’histoire, ce qui lui manquait auparavant : une mémoire longue.

À l’heure ou j’écris ces lignes, j’ignore où en est Maurice Dantec. Je sais que l’élection de Barack Obama a été pour lui une rupture profonde, l’effondrement de la dernière forteresse occidentale, du dernier krak qui résistait encore au mondialisme et à l’islamisme, la chute des ultimes vestiges du christianisme dont il se réclamait : ce christianisme vivant, viril et guerrier, dont George Bush, bien que protestant évangélique, était sûrement, à ses yeux, un digne représentant. Car Maurice Dantec serait sûrement prêt à militer pour interdire l’entrée des Églises médiévales, ces chefs d’œuvre de l’époque des Croisades, aux catholiques post-Vatican II. Il pourrait même rajouter, dans son style inimitable : l’ouverture à l’autre, il y a des maisons pour ça.

Pour ma part, je ne partage nullement l’admiration de Dantec pour George Bush ni pour la politique du gouvernement américain. Il n’est d’ailleurs nullement question, pour moi, de l’aimer ou de la détester, mais de considérer si, oui ou non, elle a pour but de servir les intérêts de l’Europe, et la réponse est : non, en aucune façon. Les États-Unis, George Bush compris, ont mené une politique d’intérêt national au sens strict du terme, et ne se sont embarrassés d’aucune solidarité « identitaire » à l’égard du Vieux Continent. George Bush est chrétien et, grâce à lui, il n’y a plus de chrétiens en Irak.

295446.jpgLa joie qu’on pouvait sentir chez Maurice Dantec quant à la perspective de la mort prochaine de Saddam Hussein était d’ailleurs obscène. Saddam, qui avait sûrement plus fait pour combattre le fondamentalisme que n’importe qui d’autre. Saddam, qui avait été le seul, après le retrait d’Israël, à envoyer des armes aux chrétiens du Liban à la fin des années quatre-vingt. Saddam, qui avait embauché le chrétien Tareq Aziz comme vice-premier ministre, et donné à un de ses fils un prénom païen de l’ancienne Mésopotamie. Ce Saddam qui, aux yeux de Dantec, ressemblait sûrement trop au méchant idéal dans un film de Chuck Norris. Sa chute fut, hélas, le signal, pour les islamistes, de l’ouverture de la chasse au Chaldéen.

Personnage déroutant que ce Maurice Dantec,  souvent antipathique par l’extrémisme de sa pensée comme de son tempérament, utilisant des grilles de lectures tantôt dépassés, tantôt faussées par l’exaltation mystique. Le fait d’avoir choisi de livrer ses idées politiques sous la forme erratique de « fragments » traduit bien la nature même de cette pensée, encore embryonnaire. Nous pensons pouvoir dire que les trois T.D.O. sont le récit de la mutation d’un homme qui change de millénaire au milieu de sa vie. L’histoire de Maurice Dantec, c’est l’histoire de l’Europe depuis 1945.

Les combats à venir ne se mèneront pas au nom de la démocratie, du communisme, des moustaches de Staline ou du brushing de Ronald Reagan. La Chine a réhabilité Confucius. La Russie est redevenue orthodoxe. L’appel du muezzin a eu raison des slogans du parti Baas. Certains Iraniens essaient même d’exhumer le cadavre de Zarathoustra. Seuls les Occidentaux continuent à se cramponner aux idéologies universalistes qu’ils ont inventées. Comme l’avait prévu Guillaume Faye, la modernité finissante voit refleurir les grandes civilisations éternelles, technologiquement surarmées : ce qu’il nomme l’archéofuturisme.

L’élection de Barack Obama fournit à Maurice Dantec le prétexte inconscient qui lui manquait pour cesser de voir dans les États-Unis le bras armé de la Chrétienté. À partir de là, la Russie, comme pour tant d’autres, peut devenir son nouveau référent identitaire et politique.

Malgré ses débordements divers, ses quasi-appels au meurtre irresponsables, son manque confondant de discernement entre la mystique et le réel, et des lectures politiques mal digérées, nous ne pouvons nous payer le luxe de passer sous silence l’un des seuls écrivains actuels qui soit assez fou pour être libre. Penser contre son époque est devenu le privilège de quelques marginaux abîmés par la vie. C’est sûrement l’époque qui veut ça.

 

André Waroch

 

• D’abord mis en ligne sur Novopress, le 27 janvier 2011.


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=1875

samedi, 07 mai 2011

Drieu La Rochelle vide lo spettro di una nuova guerra e per questo credette nell'Europa unita

Drieu La Rochelle vide lo spettro di una nuova guerra e per questo credette nell’Europa unita

Francesco Lamendola

Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

Vi sono scelte che non vengono perdonate, che fruttano al proprio autore la «damnatio memoriae» perpetua, indipendentemente dal valore del personaggio e da tutto quanto egli possa aver detto o fatto di notevole, prima di compiere, magari per ragioni contingenti e sostanzialmente in buona fede, quella tale scelta infelice.

È questo, certamente, il caso dello scrittore Drieu La Rochelle (Parigi, 1893-1945), il quale, nonostante i suoi innegabili meriti letterari e l’importanza di certe sue intuizioni politiche nel periodo fra le due guerre mondiali, per il fatto di aver aderito al Partito Popolare Francese dell’ex comunista Jacques Doriot ed averne condiviso, durante l’occupazione tedesca della Francia, le posizioni collaborazioniste, è stato scacciato per sempre dal salotto buono della cultura europea e ha subito la rimozione sistematica dei suoi meriti di europeista convinto, quando l’idea di un’Europa unita era una rara eccezione alla regola nel panorama uniforme dei gretti nazionalismi.

Ma chi era Pierre Drieu La Rochelle, prima di convertirsi al fascismo, nel 1934, e prima di accettare di collaborare con i Tedeschi nella Francia occupata, fino a ricoprire la direzione della prestigiosissima «Nouvelle Revue Française»?

Non è tanto la sua biografia che qui ci interessa, reperibile presso qualunque testo di letteratura francese, quanto l’itinerario spirituale che lo ha portato, rara e felice eccezione nel panorama degli anni Venti e Trenta, a perorare la causa di una unità europea capace di assorbire e ricomporre i nazionalismi esasperati e contrapposti.

Il primo dato significativo è la sua partecipazione alla prima guerra mondiale, dal principio alla fine (comprese tre ferite sul campo, di cui due nel solo 1914). Egli vi andò entusiasta, come tanti altri giovani della borghesia non solo francese, ma tedesca, russa, austriaca, italiana; ma ne tornò traumatizzato e disgustato. Aveva sognato la guerra eroica, e si trovò scaraventato in una carneficina di tipo industriale, dove la vittoria finale non andava al più audace o al più coraggioso, ma a quello che aveva alle spalle il più potente sistema industriale e finanziario.

Il pacifismo di Drieu La Rochelle, pertanto, non nacque da motivazioni etiche, ma, in un certo senso, estetiche: lettore entusiasta, fin dalla prima gioventù, dello «Zarathustra» nietzschiano, e quindi odiatore della mediocrità e della anonimità della società di massa, egli vide nella guerra moderna non già la smentita, ma il trionfo di quella mediocrità e di quella anonimità, dunque qualcosa di osceno e di stupidamente brutale.

Il secondo dato importante è la lucidità con la quale egli comprese che, a partire dal 1919, l’Europa aveva perduto il suo ruolo primario sulla scena della politica e dell’economia mondiali, a vantaggio di potenze imperiali di tipo “continentale”: Stati Uniti, Russia, e, in prospettiva, Cina e India. Prima di molti intellettuali e di molti uomini politici, egli comprese che nessun Paese europeo – tranne, forse, la Gran Bretagna, in virtù del suo immenso Impero coloniale – avrebbe potuto, alla lunga, reggere il confronto con quei colossi.

Pertanto, anche il suo superamento del nazionalismo – a cui aveva creduto appassionatamente – non si basa su ragionamenti di ordine umanitario, ma di “Realpolitik”. Così come Machiavelli vide lucidamente che gli Stati regionali italiani non avrebbero potuto reggere la sfida delle monarchie nazionali francese e spagnola, se non si fossero riformati da cima a fondo; allo stesso modo Drieu La Rochelle vide che gli Stati europei sarebbero usciti dal gioco delle grandi potenze mondiali se non fossero stati capaci di rinunciare alla pietra d’inciampo del nazionalismo e non avessero costruito una unione di tipo federale.

Il suo giudizio sul nazionalismo, dunque, non scaturiva da ragioni morali, ma politiche: esso aveva fatto il suo tempo. In altre epoche della storia aveva potuto svolgere un ruolo utile, anzi, necessario; adesso, non era altro che un peso morto, un ostacolo privo di senso (egli adopera il termine «rinsecchito») alla futura salvezza del Vecchio Continente.

Perché Drieu La Rochelle era una nazionalista, un francese che amava la Francia sopra ogni altra cosa; ma non fu mai un nazionalista gretto e miope, capace, cioè, di misconoscere la funzione storica e culturale svolta dalle «altre» patrie nella storia d’Europa. Egli, in particolare – cosa tanto più notevole, nel clima della «pace punitiva» imposta a Versailles da Clemenceau alla Germania sconfitta – non fu mai uno spregiatore della cultura tedesca; non solo: sostenne sempre che, accanto all’influsso della Grecia, di Roma e dell’Umanesimo italiano, la cultura francese era il risultato di un altro influsso, quello nordico d’oltre Reno, che aveva svolto un ruolo non meno significativo del primo.

Il terzo elemento è la ricerca tormentata, quasi affannosa, di una formula politica capace di fornire un orientamento spirituale e materiale ai popoli dell’Europa, usciti dalla prova durissima della prima guerra mondiale e frastornati da eventi di grande portata storica, potenzialmente minacciosi, quali la nascita dell’Unione Sovietica, il sorgere del fascismo e, poi, del nazismo, e la grande crisi di Wall Street del 1929. I suoi ondeggiamenti politici sono apparsi sovente quali segni di confusione ideologica e di velleitarismo; forse, sarebbe più giusto considerarli quali segni di una aspirazione ardente, ma sincera, a trovare un porto sicuro nella grande procella che in quegli anni infuriava sul mondo.

Il suo accostamento al Partito Popolare Francese di Doriot, ex comunista divenuto fautore di Hitler e Mussolini, giunge solo alla metà degli anni Trenta, dopo che egli sembra avere esplorato ogni strada, ogni possibilità, per individuare una via d’uscita dalla crisi della civiltà europea che gli sembrava, e a ragione, una crisi non solo economica e politica, ma innanzitutto spirituale. È come se egli avesse bussato a tutte le porte e, solo dopo averle trovate tutte chiuse a doppia mandata, si fosse risolto ad entrare nell’unica stanza che gli si rivelò accessibile.

In ogni caso, è certo che la sua adesione al collaborazionismo con i Tedeschi, dopo il 1940, non ebbe niente di opportunistico e niente di disonorevole, per quanto la si possa considerare politicamente discutibile o anche decisamente sbagliata. Egli non desiderava un’Europa asservita alla volontà di Hitler, e aveva sempre affermato di non intendere l’unità europea come il risultato di un’azione di forza da parte di una singola Potenza. Tuttavia, nel 1940, si trovò a dover fare una scelta irrevocabile: scelse quello che gli parve il male minore. È noto, d’altronde, che si adoperò per ottenere la liberazione di Jean Pulhan, detenuto nelle carceri naziste; ma questo sarebbe stato troppo facilmente dimenticato, nel cima da caccia alle streghe del 1945 che lo spinse al suicidio.

Nella sua ricerca di un nuovo ordine europeo che consentisse alle «patrie» francese, tedesca, inglese, italiana, di continuare a svolgere un ruolo mondiale nell’era dei colossi imperiali, si era accostato anche a certi ambienti industriali e finanziari che egli definiva «capitalismo intelligente», perché aveva intuito che, in un mondo globalizzato, anche il capitalismo avrebbe potuto svolgere una funzione utile, purché si dissociasse dal nazionalismo e contribuisse a creare migliori condizioni di vita per gli abitanti del Vecchio Continente. Grande utopista, e forse sognatore, Drieu La Rochelle si rendeva però conto della importanza dei fattori materiali della vita moderna, e intendeva inserirli nel quadro della nuova Europa da costruire.

Al tempo stesso, egli era un nemico dichiarato della tecnologia fine a se stessa e, più in generale, degli aspetti quantitativi, puramente economicisti della modernità. Una sua lampeggiante intuizione si può riassumere nella frase: «L’uomo, oggi, ha bisogno di ben altro che inventare macchine; ha bisogno di raccogliersi, di danzare: una grande danza meditata, una discesa nel profondo». Pertanto, egli vide lucidamente il pericolo della costruzione di un’Europa senz’anima, rivolta solo agli aspetti materiali dell’esistenza.

Si potrà definire questa posizione come tipicamente decadentistica; e, in effetti, non è certo un caso che, anche sul piano del suo itinerario letterario, egli si sia mosso fra Dadaismo, Surrealismo e Decadentismo alla Thomas Mann: sempre alla ricerca di una nuova via, di un varco fuori dal grigiore della mediocrità della società tecnologica e massificata. In un certo senso, il suo itinerario politico non è stato altro che il riflesso e il prolungamento di quel suo errabondo, infaticabile viaggio artistico alla ricerca, se non di una nuova Terra Promessa, certo di una via di fuga dagli aspetti più alienanti della modernità.

In fondo, la sua vicenda umana, artistica e politica fra vitalismo, pessimismo (pensò più volte al suicidio), estetismo, superomismo e «rivoluzione conservatrice» lo accomuna a personaggi come Ernst Jünger, i quali, dopo essere stati segnati irreversibilmente dall’esperienza della guerra di trincea, si dedicarono interamente alla ricerca di una nuova società, capace di dare un senso a quei sacrifici e di fare proprie cere esigenze del mondo moderno, volgendole però al servizio di un primato dello spirito sull’economia e sulla tecnica.

Quanto alla sua adesione finale al Nuovo Ordine nazista, non bisognerebbe dimenticare che egli non fu poi così isolato come si pensa, dal momento che intellettuali ed artisti del calibro di Ezra Pound, Knut Hamsun e Céline finirono per fare delle scelte analoghe alle sue, e ciascuno di essi in perfetta buona fede. Egli sperò, come quelli, di poter agire dall’interno del sistema hitleriano per affermare i valori in cui aveva sempre creduto, contro la doppia minaccia del totalitarismo politico russo e del totalitarismo finanziario americano; e, se commise un grave errore di giudizio, bisogna pur ammettere che, nel fuoco della seconda guerra mondiale, non tutto quel che oggi ci sembra evidente, con il senno di poi, lo era anche allora; e non tutto quel che si fece allora, nell’Europa dell’Asse, era totalmente folle e scellerato, come poi una Vulgata manichea lo ha voluto dipingere.

Ha scritto Alessandra La Rosa nel suo pregevole saggio «L’idea di Europa in Drieu La Rochelle» (nel volume L’Europa e le sue regioni, frutto di un Convegno internazionale svoltosi presso ‘Università di Catania ed organizzato dal Dipartimento di studi politici nel maggio 1990 (Palermo, Arnaldo Lombardi Editore, pp. 95-106 passim):

«Per Drieu fare l’Europa è una questione vitale da qualunque punto ci si pone, esterno o interno. “Il faut faire les Etates unis d’Europe parce que c’est la seule façon de defendre l’Europa contre elle-même et contre les autres groupes humains”. Se dal punto di vista estero bisogna fare l’Europa per far sì che non sia fagocitata dall’imperialismo capitalista americano e dall’imperialismo socialista risso, dal punto di vista interno i pericoli che nascono da un diffuso ed esasperato nazionalismo chiedono tale soluzione. L’unità europea è necessaria per porre fine alle lotte interne nate dai differenti interessi nazionali che potrebbero culminare in una ulteriore guerra fratricida da cui l’Europa non uscirebbe salva.

Secondo George Boneville, l’odio della guerra e l’amore dell’Europa presentano una stretta correlazione nella maggior parte delle riflessioni fatte dagli intellettuali sul tema dell’Europa. Nel caso di Drieu La Rochelle l’equazione è più complessa. Come vedremo l’atteggiamento europeista di Drieu non scaturisce da un rifiuto della violenza in sé, da un odio per la guerra tra le nazioni e quindi da un amore innato per la pace. L’esprit de guerre e la volontà di potenza sono presenti nel suo pensiero. Come dice Simon “il a chanté la guerre accoucheuse de héros”. Il primo conflitto mondiale viene accettato con entusiasmo da Drieu, che parte volontario. La guerra, al di là del suo carattere ideologico, rappresenta per Drieu l’occasione per permettere di risvegliare nell’uomo quelle virtù virili, come il coraggio, l’amore del rischio e il senso del sacrificio, attraverso le quali affermare la propria volontà di potenza, “en dépit de tous les obstacles et de toutes les menaces”.

Ma è anche vero che sul tema della guerra Drieu dimostra di avere delle esitazioni e dei ripensamenti che alla fine lo portano ad un superamento del suo atteggiamento antipacifista, come dimostra la sua argomentazione su l’unità europea. (…) È la realtà della guerra a mostrare a Drieu la portata dell’errore delle sue immaginazioni giovanili. Per l’uomo Drieu che ha vissuto l’esperienza amara delle trincee e frustrante del campo di battaglia, la guerra non è più “une novetaué mervelleuse, l’accomplissement qui n’était pas espéré de notre jeunesse”, ma solamente una esperienza da ripudiare fatta solo di distruzione e sofferenza (…). La speranza iniziale che la guerra fosse un movimento rivoluzionario rinnovatore e benefico fa posto alla presa di coscienza della estrema bestialità di ogni atto bellicistico. La  guerra è solo “geste obscene de la mort” reso ancora più ripugnante dall’uso di armi e di tecniche micidiali proprie della guerra chimica.. Sul campo di battaglia Drieu prende coscienza della profonda dicotomia esistente tra la guerra moderna, da lui vissuta, fatta di ferro , d scienza e di industria, e la guerra “éternelle”, da lui sognata, fatta di scontri frontali, di muscoli, di guerrieri. La “violence des hommes” caratterizza la prima, la “violence des choses” la seconda. La guerra moderna nega tutti i valori che giustificavano agli occhi di Drieu la guerra eterna (…).

La presa di coscienza che ciò che lui aveva vissuto come combattente era la forma decadente della guerra classica spiega il suo disincanto, il suo disgusto, il suo sentimento di sentirsi “blessé”. Ciò ha contribuito a far assumere a Drieu una posizione antimilitarista; ad aprire la strada del suo pensiero al pacifismo che negli anni venti si manifesta come protesta contro la guerra moderna. In tal senso si spiegano certamente le prime affermazioni di Drieu sulla necessità di evitare la ripetizione di una guerra se non si voleva l’agonia dell’universo. (…)

Il cambio di carattere della guerra eterna ci può aiutare a capire le dichiarazioni antimilitariste di Drieu come rifiuto della guerra moderna, ma se ci soffermassimo solamente sulle sue proteste contro la guerra moderna non potremmo capire le sue dichiarazioni di pacifismo assoluto, implicite nella sua posizione europeista. Infatti la condanna della guerra moderna non implica ancora la condanna morale della guerra in sé, quindi anche di quella che per Drieu è la “vera” guerra. È necessario perciò soffermarsi sul superamento della sua posizione nazionalista per capire come Drieu approdi all’internazionalismo pacifista che implica una condanna morale e politica della guerra.

Drieu La Rochelle non è certamente un intellettuale che crede nell’Europa “a priori” e che quindi nega di fatto l’idea nazionale. Tutt’altro (…). È indubbio che nel pensiero di Drieu è possibile individuare degli aspetti della dottrina nazionalista. Ma è anche vero che nello stesso pensiero giovanile di Drieu, ritenuto da alcuni il più patriottico, è possibile individuare delle affermazioni che lo allontanano dalla stretta osservanza del pensiero maurissiano. Nel poema “A vous Allemands” Drieu mostra di non condividere l’antigermanismo dell’Action Français.. Drieu prova del rispetto per il valore e la forza del nemico tedesco, fino a vedere nei tedeschi la fonte della rigenerazione nazionale. (…) Non solo Drieu rifiuta l’antigermanismo politico, ma anche quello filosofico, che invece caratterizzava il pensiero di Maurras. Per Maurras il pensiero francese è figlio dell’umanesimo mediterraneo, espressione quindi di quella ragione e di quella misura tipica del mondo greco-latino. Per Drieu, invece, il pensiero francese non è figlio solo del genio mediterraneo, ma anche delle influenze nordiche. (…)

Se certamente Drieu non è un intellettuale che nega a priori l’idea di nazione, bisogna anche ammettere che il discorso politico di Drieu è caratterizzati da fasi evolutive in cui vi è un ripensamento e un superamento degli aspetti nazionalisti del suo pensiero (…). Genève ou Moscou e L’Europe contre les patries sono testi in cui il superamento della posizione nazionalista di Drieu trova la sua completa realizzazione. Drieu si pone contro il concetto di unità nazionale, presentando l’esagono francese come un “carrefour” aperto sul mondo, aperto sull’Europa, nel cui seno già si realizza l’incontro del genio nordico e mediterraneo. La Francia contemporaneamente fiamminga, bretone, basca, alsaziana, realizzava già l’unità nella diversità (…).

Ogni manifestazione di nazionalismo culturale, integrale, è per Drieu espressione di un “ottuso” conservatorismo che porta a coniugare solo questo verbo: “Je suis français“. Contro l’isolazione culturale, mortale per la stessa creazione, Drieu sostiene l’assimilazione culturale, affermando che per vivere pienamente bisogna espandere la propria identità e non rimanere radicato nella propria (…).

Nel 1922 in Mesure de la France il rifiuto della guerra poteva sembrare più legato alle condizioni inaccettabili della guerra moderna meccanica e chimica, piuttosto che legato ad un superamento della sua posizione nazionalista. Ma i saggi politici di Genève ou Moscou e L’Europe contre les patries dimostrano come Drieu riunisca in uno stesso rifiuto la guerra e il nazionalismo che genera il primo. Il sentimento del patriottismo non corrisponde ala realtà delle cose. Esso è sorpassato. Cosa significa essere un patriota francese in un’Europa aperta ai grandi imperi? “Aujord’hui la France ou l’Allemagne, c’est trop petit” (…).

Rifiutando ogni forma di particolarismo nazionalismo nazionale Drieu esorta i Francesi a “mourir comme Français, à renaitre comme hommes” per poi diventare degli europei. La sua presa di posizione contro le patrie e il nazionalismo ha un corollario positivo: la sua professione di fede europea. (…) La sua speranza nella unione europea si colora, come nella maggior parte dei casi, di pacifismo morale e politico, che può sembrare paradossale in un futuro teorico del fascismo. “Les seuls adversaires de la guerre dans notre societé sons les objecteurs de coscience”. A costoro Drieu dedica un capitolo in Socialisme Fasciste parlandone con ammirazione e simpatia. Nella parte finale di L’Europe contre les patries fa sua la loro tesi. Sotto forma di dialogo col suo “io” Drieu dichiara che nell’evento di una guerra europea rifiuterà la mobilitazione poiché, se come uomo considera la guerra moderna il “geste obscene de la mort”, come europeo vede la sola speranza di sopravvivenza dell’Europa in una unità pacifica. L’amore della nuova patria europea impone non la guerra ma la pace (…).

Nel 1922, in Mesure de la France, egli si muove nella direzione di una Europa delle patrie. (…) Considerando ancora la patria come una realtà che non poteva essere negata, egli propende verso l’idea di una alleanza tra le patrie europee, sotto la forma di una confederazione, dove potrebbe essere creata qualche struttura in comune. Ma nello stesso del 1922 , rifiuta ogni soluzione che si fondi sull’egemonia di una nazione federatrice. (…)

Nel 1928 la posizione di Drieu diventa molto più radicale sul modo di realizzare l’unità europea. Il nome di “Ginevra”, presente nel titolo del suo saggio, indica come in questo periodo Drieu crede che la Società delle nazioni sia l’agente della unificazione europea. La sua speranza di vedere realizzare una unificazione europea sotto il segno liberale lo porta ad ammirare l’azione di alcuni politici: come “l’effort admirable et fécond d’Aristide Briand”. (…)

L’unificazione europea non è solo un’idea, non è solo un progetto morale. Drieu prende posizione anche sulle forze sociali ed economiche che debbono operare prr la sua realizzazione. Egli si rende conto che il sistema economico è un importante agente di unificazione (…) Negli anni Venti, dal 1925 al 1929, Drieu fa appello alla forza del sistema capitalista. Spera in un neo-capitalismo intelligente e riformatore che rinunci alla concorrenza selvaggia che regnava sia tra le azioni che all’interno d queste. L’alleanza tra capitalismo e nazionalismo non può essere, secondo Drieu, che accidentale; la logica stessa dell’evoluzione del capitalismo deve condurlo, se esso vuole sopravvivere, all’internazionalismo (…) Drieu sostiene i nuovi capitalisti, agenti di un sistema industriale intelligente, poiché li considera forze rivoluzionarie che concorrono alla realizzazione della unità europea».

Abbiamo paragonato Drieu La Rochelle a un viandante che bussa a tutte le porte, consapevole – come pochi suoi contemporanei lo erano stati – dei tempi tremendi che si andavano preparando, fin dall’epoca della conferenza di Versailles che, chiudendo il capitolo della prima guerra mondiale, apriva le ragioni per lo scoppio della seconda.

Tipica, in proposito, è stata la sua illusione che la Società delle Nazioni potesse svolgere il ruolo storico di tenere a battesimo la nascita della nuova Europa unita: illusione generosa e, a suo modo, non del tutto sbagliata, se gli uomini che erano allora alla guida dell’Europa avessero posseduto un po’ più di lungimiranza e un po’ più di saggezza. Invece, come è noto, la Società delle Nazioni divenne quasi subito un supplemento di potere per le ambizioni egemoniche della Gran Bretagna e della Francia, svuotandola di ogni credibilità e di ogni significato ideale.

Il risultato di quella miopia, di quel gretto egoismo nazionalista è noto: sia la Gran Bretagna che la Francia perdettero tanto i loro imperi coloniali, quanto il loro ruolo di potenze mondiali, subito dopo la fine della seconda guerra mondiale: avevano sacrificato una splendida occasione di mettersi all’avanguardia dell’unità europea per inseguire la chimera di una splendida autosuffcienza «imperiale», per la quale non possedevano né i mezzi, né la credibilità ideologica (dopo aver combattuto contro Hitler in nome della libertà dei popoli di tutto il mondo).

Che dire, dunque, del sogno europeista di Drieu La Rochelle?

Anche se, oggi, è di gran moda esercitarsi nel tiro al bersaglio sugli sconfitti e stracciarsi le vesti davanti agli errori e alle contraddizioni dei perdenti, nondimeno bisognerebbe recuperare quel minimo di onestà intellettuale per rendere atto a uomini come Drieu La Rochelle che il loro sogno non è stato solo e unicamente uno sbaglio; che un’Europa diversa e migliore avrebbe potuto nascere, e la tragedia della seconda guerra mondiale avrebbe potuto essere evitata, se altri uomini generosi avessero condiviso quel medesimo sogno.